Pop Culture : Bientôt ensevelie…
Société

Pop Culture : Bientôt ensevelie…

Je suis dans le déménagement jusqu’au cou! À moitié vide, mon appartement n’a plus rien d’accueillant. Il ressemble plutôt à une carrière, où les boîtes, des mégalithes, s’empilent les unes sur les autres. Et il y en a tellement qu’il m’arrive parfois de perdre temporairement ma chatte Mirka, qui se cache derrière l’une de ces impressionnantes sculptures contemporaines quand elle a fait un mauvais coup ou a juste envie de me faire rager. Si je prépare ce départ depuis quelques semaines, j’ai l’impression de ne jamais voir la fin. On dirait qu’il apparaît chaque jour de nouveaux objets dans les armoires et les garde-robes. C’est plutôt décourageant! Heureusement, empaqueter apporte aussi quelques joies et plaisirs…

Des plaisirs? Oui, lorsqu’on vide nos tiroirs ou nos étagères, on fait parfois de belles trouvailles. On découvre des mémos, des billets de spectacle, des souvenirs d’enfance, des photos… On retrouve (enfin!) un compact égaré. On tombe nez à nez avec un vieux titre qui nous avait fait vibrer ou un autre qu’on n’a pas encore eu le temps de lire. Justement, j’ai souri en serrant entre mes mains La Pensée niaiseuse ou Les Aventures du comte d’Hydro du Trifluvien Yves Boisvert. Ce recueil de poésie et pamphlet a été publié en 2001 aux éditions Le Sabord. Pour le moins transparent quant aux opinions politiques de son auteur, il trace un lien entre la langue du conquérant et la consommation courante. Ce livre au propos mordant et au graphisme magnifique a vraiment une signification spéciale pour moi: il me rappelle mon entrée dans le merveilleux monde du journalisme culturel. En fait, c’est l’un des premiers bouquins qui a atterri sur mon bureau – je travaillais alors pour un mensuel qui a aujourd’hui disparu. En le lisant, je me souviens avoir pensé que si l’univers culturel de la Mauricie ressemblait à ça, mon boulot s’annonçait vachement stimulant. Je ne m’étais pas trompée! Les titres des Bryan Perro, Fred Pellerin, Monique Juteau, Guylaine Saucier, Véronique Marcotte, Louis Caron, Guy Marchamps, Réjean Bonenfant, Marie Gagnier et de plusieurs autres écrivains de la région qui se sont retrouvés par la suite à ses côtés dans ma bibliothèque en témoignent. D’ailleurs, c’est fou comment certains d’entre eux ont changé ma façon de voir le monde qui m’entoure, m’ont marquée à jamais. Je pense beaucoup à Tout s’en va de Marie Gagnier quand je dis ça. Depuis que j’ai lu ce roman, qui s’articule autour de trois tragiques destins intimement liés, je suis incapable de voir le quartier Sainte-Cécile (un des lieux du livre) de la même manière. Chaque fois que je passe devant La Belle Province en auto, j’ai peur d’apercevoir un jeune garçon détruit en fugue. Ainsi, je prie pour que cette histoire demeure fictive, qu’elle ne déborde pas dans la réalité. Aussi, désormais, quand je croise le regard d’un enfant issu d’un milieu défavorisé, je lui offre mon plus beau sourire. Je me dis que ça lui apportera peut-être un peu de chaleur. Car on ne sait jamais…

C’est donc tous ces souvenirs que je retrouve en déménageant. Dommage que les boîtes ne se fassent pas toutes seules pendant que je rêvasse.