Société

Desjardins : Vivement des vacances

La chronique Desjardins sera de retour le 16 août prochain.

Tadam! Chronique hygiénique, un peu de n’importe quoi en attendant d’aller patauger dans les algues bleues et autres cyanobactéries. On en profite pour mettre quelques trucs au clair et répondre au courrier. Le grand ménage avant les vacances, quoi.

TWIP-TWEEP! – Il plane chez ma mère le chant d’un oiseau moqueur qui, entre tous les sons de la banlieue, a choisi d’imiter celui que fait la voiture d’un de mes frères quand il en désactive le système d’alarme. Twip-tweep! Twip-tweep!

Il plane aussi chez ma mère cette question que lui posent depuis un moment ses voisins, amis, la famille et les connaissances, question qu’elle me transmet, un peu gênée: vas-tu écrire un roman?

La question m’indispose d’autant plus qu’elle sous-tend un compliment: t’écris bien. Et je suis nul avec les compliments. Remarquez, c’est très gentil, flagornez tant que vous voulez, mais ne vous étonnez pas non plus si je dis merci du bout des lèvres, baisse le regard et change de sujet dans la seconde.

Et à propos de mes chroniques, à la pièce, je n’ai rien à dire. Pour moi, c’est un boulot. Une job. Comme un type qui pose des planchers de bois flottant. Tous les mardis, j’écris, en essayant de ne pas laisser trop de craques dans vos têtes. Les mots sont là, c’est vrai, les idées aussi, peut-être, mais je n’invente rien. Au mieux, je recycle.

Un peu comme l’oiseau moqueur: twip-tweep le système d’éducation! Twip-tweep le racisme! Twip-tweep la bêtise humaine!

Bon, vrai que parfois, je la joue plus poétique. Je boursoufle le style un peu. Mais ça demeure une chronique. Pour un roman, c’est pas pareil. Faut autre chose que du style, contrairement à ce qu’ont l’air de croire plusieurs éditeurs québécois. Ça prend une histoire à raconter (autre que la mienne, dull à mort), puis du souffle, beaucoup de souffle. Et je n’en ai que pour crier après la télé, courir (pas trop longtemps), rouler (pas trop vite), ou tirer sur un pétard (pas trop fort). Les romans, c’est un raid, c’est un marathon, c’est un rave. La chronique, c’est une p’tite vite. C’est un clin d’oeil à une fille que tu ne connais pas dans la rue, c’est sans conséquence, ça ne passera pas à l’histoire, et si elle est nulle -la chronique -, au moins, tu n’y as pas consacré deux ans de ta vie.

Bref, si je ne souhaite pas écrire autre chose que des chroniques, c’est surtout par couardise. Et aussi parce qu’il n’y a pas de courrier du lecteur dans les romans. Quoique avec le vôtre, parfois, je pourrais certainement composer un recueil. Anthologie humoristique des lettres au chroniqueur qui sait qu’il tient dans ses mains le gros bout du bâton. Et n’hésite pas à abuser de sa position.

Aux abris. Twip-tweep!

SEXE FÉMININ – Fortes réactions quant à l’utilisation du terme traînée, tel que j’en usais dans une très récente chronique pour désigner une fille qui a baisé à gauche et à droite. Plusieurs choses à dire à ce sujet. Primo: oui, je trouve injuste qu’une femme ne puisse pas jouir, si j’ose dire, de la même immunité qu’un homme en matière de dissolution sexuelle, et je ne justifierai pas ce préjugé en calquant le dialogue du film Québec-Montréal dans lequel un des personnages dit, grosso modo: c’est pas pareil pour la fille, vu que c’est elle qui reçoit, c’est plus impliquant… Deuzio: je ne m’excuserai pas d’avoir utilisé ce terme, parce que ce que je voulais exprimer, c’est justement le préjugé. Justement le fait que ça dérange les gars, en général, de savoir que la fille qu’ils aiment a couché avec tout plein de gars AVANT eux. Je ne l’invente pas, c’est comme ça, et on ne commencera pas à trafiquer la réalité pour faire plaisir à ceux qui voient toujours dans les mots une intention, et pas seulement le reflet de la réalité. Ici, celui d’un vieil atavisme. Tertio: non, pour répondre à ma plus charmante lectrice du bel âge, la fille n’a pas refilé le sida à mon ami, et non, ce n’était pas une prostituée de Limoilou. Misère…

GUERRE, ÉPAIS – D’autres réactions, celles-là concernant l’histoire de ces restaurateurs afghans que l’on agonit d’insultes sous prétexte que leurs compatriotes tueraient nos soldats. Beaucoup d’indignation méritée, mais on me demande aussi: que pensez-vous des soldats qui partent là-bas? Sont-ce les héros que nous montrent les journaux? Je sais pas trop. Ils croient réellement au bien-fondé de la mission qu’ils s’en vont accomplir, et moi pas. Cela dit, je ne les vomis pas pour autant. Ceux qui me font tilter, par ailleurs, ce sont les mongols qui se présentent dans les bureaux de recrutement à Québec et, tel que rapporté dans le journal, demandent avec insistance s’ils pourront se rendre en Afghanistan une fois enrôlés… Ceux-là devraient s’acheter une console Xbox pour faire joujou, ou encore s’organiser une partie de paintball. Parce que là-bas, c’est pas des GI Joe, c’est pas Arnold, c’est pas Brute Willis. Et c’est pas juste construire des écoles non plus. Y a de la souffrance, de la haine, des balles qui sifflent, du monde qui meurt pour vrai. C’est la guerre, épais.

POUÉSIE – Vrai que je ne suis pas très féru de poésie. Je connais moyennement mes classiques, fréquente quelques contemporains, mais rarement. Sauf que je sais reconnaître le talent quand il me saute dans la face. Comme ici, dans cette oeuvre de ma lectrice du bel âge favorite. Un peu fâchée d’avoir été ridiculisée il y a quelques semaines, elle conclut son florilège d’insultes à mon endroit par quelques vers qu’elle a visiblement repiqués à Denis Vanier: "Il se nomme David / Avec sa tête vide / Une face à fesser d’dans / Mais c’est pas surprenant / Une tête de hibou / Il vient de Limoilou…"

Avez-vous déjà songé à proposer vos textes à Natasha St-Pier ou Marie-Élaine Thibert? Me semble que ça fitte, non?

TOUT SUR MOI – Toujours cette question que vous posez aux gens qui me connaissent. Il est comment Desjardins? Bête et méchant comme dans ses chroniques? Aussi insignifiant? Aussi colon? La réponse: mets-en! Et puis je bitche sans arrêt, c’est une seconde nature, mes amis n’en reviennent pas encore qu’on me paie pour le faire ici alors qu’eux y ont toujours eu droit gratuitement. Avec ces amis, d’ailleurs, le soir, je mène une existence complètement destroy si vous voulez tout savoir: je fume, je bois, je me fous à poil, debout sur le divan, et je de-de-de-de-danse dans ma tête.

Pis des fois, avant de me coucher, je fais twip-tweep!