Société

Pop Culture : Les voisins

Comme il fallait s’y attendre, le réinvestissement des plaines LeBreton pour la tenue d’événements culturels d’envergure attire son lot d’insatisfactions, comme ont pu en témoigner les plaintes relatives au bruit suite au retour du Bluesfest d’Ottawa en ces lieux. Considérés par plusieurs comme une pollution sonore – alors que d’autres en jouissent allègrement! -, les décibels engendrés par ces spectacles extérieurs entraînent toujours la critique, et ce, peu importe le voisinage! On n’a qu’à penser à L’Outaouais en fête qui fait des mécontents à Aylmer, au Festival des montgolfières dans le secteur Gatineau, à la Super Ex dans le Glebe à Ottawa, et j’en passe.

Dans une lettre qu’elle a adressée à certains journalistes et décideurs locaux, une résidante du centre-ville de Hull déclare que le bruit "dépassait de beaucoup un niveau acceptable" lors de certaines soirées du Bluesfest et qu’il dérangeait aussi ses voisins. Je n’ai pas de difficulté à la croire: avoir un festival qui bat son plein à quelques lieues de sa demeure entraîne des désagréments. Et bien que le Bluesfest prenne place sur la rive ontarienne, le son voyage aisément jusqu’à ce quartier gatinois, la rivière aidant.

Soit, des ajustements devront probablement être apportés, à savoir l’emplacement des scènes, le nombre de décibels permis, l’orientation des haut-parleurs et peut-être même l’heure à laquelle les spectacles se terminent. Ces solutions entreraient dans le "raisonnable" comme mesures à adopter dans de pareils cas et nombre d’organisations ont déjà eu à faire face à des restrictions semblables. Oui, il y a un prix à payer pour avoir une région vibrante et animée culturellement, mais il ne faut pas oublier que des gens travaillent au petit matin; ils ne devraient pas être incommodés exagérément.

Là où on dépasse les bornes, c’est lorsqu’on remet en question la tenue de ces événements pour de simples inconvénients sonores. Cela me fait hurler et mordre mon clavier! Contrairement à ce que cette résidante affirme, ce festival n’a pas profité qu’à un promoteur et une petite portion de citoyens: ils étaient des centaines de milliers de personnes (plus d’un quart de million plus précisément) à fouler ce sol et à profiter de la riche programmation proposée. Et non, la Place Banque Scotia ne serait pas un bon emplacement de rechange. Croyez-vous vraiment qu’à Montréal, les organisateurs des festivals de jazz, Juste pour rire, FrancoFolies, etc. déménageraient leurs pénates au Centre Bell après que l’on ait enregistré quelques plaintes sur le bruit? Certainement pas, puisque leur caractère particulier est justement qu’ils se déroulent à l’extérieur, en plein air, à la belle étoile, quoi! Si vous n’êtes pas de ceux qui apprécient ce genre de divertissement, de grâce, n’écrasez pas du bout de votre sandale les organisateurs, politiciens et festivaliers qui soutiennent la vie culturelle d’ici et qui vibrent au son de sa musique.

La dame termine sa lettre en appelant tous les citoyens et organismes des quartiers incommodés – qui iraient jusque dans le Glebe, selon elle – à faire valoir leurs droits, plaidant que ces activités n’ont pas leur place dans la collectivité. Elles ont pourtant bien leur place et j’ai des petites nouvelles pour vous: le Bluesfest a connu un franc succès, ainsi que le nouveau festival Orchestres dans le parc (qui a rallié 17 000 personnes), et vous n’avez pas fini de voir les plaines bondées!

La conseillère du district de Hull, Denise Laferrière, en a rajouté en appuyant la citoyenne, ajoutant qu’elle avait déposé une plainte au service 311 de la Ville de Gatineau afin de sensibiliser la Ville d’Ottawa et la CCN au préjudice causé aux citoyens de ce secteur. Heureusement, elle souhaite qu’on échange sur la question et non pas que ce dernier-né des parcs de la capitale meurt. Les plaintes peuvent souvent être valables, mais il n’est pas nécessaire de "flusher" le bébé avec l’eau du bain! Sinon, quelle sera la prochaine étape? On devra déménager les Grands Feux du Casino à Thurso parce que ouille!, ça fait mal aux yeux lorsqu’on regarde les effets pyrotechniques et aïe!, ça blesse les oreilles lorsqu’ils éclatent? Si on écoutait toutes les plaintes déposées par les "voisins grincheux", Gatineau-Ottawa serait un désert culturel.

À l’heure où tout est au vert, au biologique et au grano, je vote pour un bruit "équitable" qui saura satisfaire les festivaliers sans toutefois miner le sommeil ô combien précieux des voisins… Mission impossible?