Les Clowns noirs du Faux Coffre : Lever le rideau sur la ville
Société

Les Clowns noirs du Faux Coffre : Lever le rideau sur la ville

En collaborant avec le Service de travail de rue de Chicoutimi, les Clowns noirs du Faux Coffre font un pied de nez à l’adversité grâce à l’art théâtral.

DERRIÈRE LE DÉCOR

Au théâtre, lorsque chaque spectateur a rejoint son siège et que l’heure de la représentation sonne enfin, le public devient soudainement silencieux. Moment d’attente chargé d’électricité, on entend dans la salle des toussotements ou des rires réprimés avant que la scène s’éclaire et s’ouvre à la magie du spectacle. Cet état d’attention curieuse, nous le retrouvons parfois dans la rue: instant de sensibilité intérieure où nous marchons dans la ville en nous mettant à son écoute, guettant les histoires du quotidien derrière l’apparent détachement du promeneur. Bien vite, nous nous rendons compte, que ce soit dans les grands centres ou dans de plus petites agglomérations comme Chicoutimi, Jonquière, La Baie et Alma, que les paysages urbains sont truffés de paradoxes: la pauvreté et la toxicomanie cohabitent avec la prospérité. Et la part d’ombre du paradis du bleuet, les intervenants du Service de travail de rue de Chicoutimi y sont confrontés à profusion. Soldats de première ligne, Janie Thibeault, Mélanie Dufour et François Legault peuvent témoigner des problèmes sociaux qui existent dans la région. Comme dit Mélanie Dufour: "Ici, ce n’est pas pire, ce n’est pas mieux qu’ailleurs, c’est juste plus caché." Depuis un certain temps, tel que le mentionne Janie Thibeault, les gens en difficulté s’avèrent de moins en moins accessibles parce qu’on les chasse du centre-ville. Dans l’éden touristique que s’efforce de bâtir le maire Tremblay, il n’y aurait pas de tolérance pour la criminalité, la délinquance, la violence et la drogue. Alors, on masque leurs traces en augmentant la surveillance policière. Pourtant, ce nettoyage intensif ne règle rien: en isolant les personnes en marge du système, on ne fait qu’accroître leur détresse.

SAUVER LE MONDE UN ACTE À LA FOIS

Tout en récoltant des fonds pour appuyer le Service de travail de rue, les Clowns noirs du Théâtre du Faux Coffre offrent l’opportunité à ses utilisateurs d’assister à leur performance. Bien sûr, le but n’est pas de s’adonner à quelques conversions miraculeuses, mais bien de favoriser l’échange. Puisque les Clowns noirs se démarquent par leur humour décapant et critique, ils savent susciter des réactions enthousiastes: il ne s’agit pas d’avoir un mur tapissé de diplômes pour être touché par leur démarche artistique. Au bout du compte, le plus important reste d’ouvrir les portes du théâtre à tous, et ce sans discrimination. La beauté de l’art, c’est son universalité: au-delà des planches, il n’y a plus de clivage intellectuel, économique et social. Et l’invitation des Clowns noirs aux jeunes de la rue ne repose pas sur une mission d’éducation méprisante imbibée de pitié mielleuse. Comme disaient Les Colocs: "passe-moé ‘a puck pis j’vas en compter des buts!" Ainsi, c’est en faisant une place à ceux que l’on rejette parce qu’ils ne sont pas dans la norme que la société peut aller de l’avant. S’entraider, ça consiste parfois à accueillir simplement ceux qui souffrent en acceptant leur différence au lieu de la fuir ou de la comptabiliser en rassurantes statistiques.

Roméo et Juliette de William Shakespeare
Du 16 août au 2 septembre
À la salle Murdock
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