Pop Culture : Contre toute espérance
Société

Pop Culture : Contre toute espérance

Semblerait que je devrai en faire mon deuil… Les Bouquinistes du Saint-Laurent à Ottawa, c’est bel et bien mort. J’osais encore espérer que l’événement rappliquerait – comme le site de l’organisation n’est pas à jour et que les éditions de Montréal et Québec avaient eu lieu tel que prévu -, mais un simple appel à sa présidente-fondatrice, Hélène Tirole, a réduit toute espérance à néant. Il ne sera donc plus donné aux "livrophiles" de défiler le long du canal Rideau près des écluses, au fil des mots, à la découverte des "boîtes vertes" typiques débordantes de livres neufs ou usagés comme autant de trouvailles littéraires.

C’est par l’entremise d’un communiqué que l’on apprenait l’été dernier que l’événement 2006 avait été remis à 2007, en raison notamment du désistement à la dernière minute d’importants exposants, indiquait-on. Mme Tirole complétait alors au bout du fil: "Comme j’avais eu certaines petites critiques sur le fait qu’il n’y avait peut-être pas assez de livres anciens, par exemple, je me suis dit qu’il valait mieux revenir l’année prochaine, en allant chercher des choses rares, inusitées…"

Elle souhaitait donc revenir en force à cet emplacement de la capitale qu’elle chérit, mais les événements l’ont dépassée. "Nous n’avons pas eu suffisamment d’aide pour que ce soit avantageux pour les exposants. Tous les festivals du Québec souffrent présentement et nous espérions d’autres subventions qui ne sont pas venues. Nous ne pouvions pas nous permettre d’avoir une localité déficitaire", indique expéditivement Mme Tirole, jointe au téléphone.

Pour la petite histoire, rappelons que l’événement s’établissait des deux côtés de la rivière en 2004, avec une installation près des écluses du canal à Ottawa et une autre à la place de la Francophonie à Gatineau. Après deux années, dont la dernière attira un nombre plus satisfaisant de visiteurs, Hélène Tirole avait choisi de ne pas reconduire le volet gatinois, n’acceptant pas les conditions imposées par la Ville. "J’ai été déçue à la suite du changement de maire; on voulait nous imposer d’allouer tout notre budget d’animation à l’Association des auteures et auteurs de l’Outaouais. Il nous semblait que ce qui était intéressant pour Gatineau, c’était d’arriver avec un renouveau, notamment avec Dany Laferrière comme animateur et porte-parole, mais nous n’avions pas cette liberté."

Une déception, certes, mais qui menait à la conclusion que la concentration de l’événement à Ottawa, avec les exposants québécois comme ontariens, ne pouvait être que positive et dynamique. Or, encore une fois, c’est une question de gros sous et Mme Tirole indique qu’ils ne disposaient pas des ressources nécessaires pour faire les demandes de subventions voulues, notamment au gouvernement de l’Ontario. "Je tiens beaucoup à ce petit coin d’Ottawa qui est une petite merveille, mais il est évident que ce n’est pas un coin très visité. Il aurait fallu de gros budgets publicitaires et les exposants ont un peu souffert du manque d’achalandage."

Du reste, Hélène Tirole signale que les éditions montréalaise et québécoise ne sont sous aucun prétexte en péril et qu’un nouveau volet à Sainte-Rose en octobre sera un "démarrage vers autre chose". Quant au retour possible des Bouquinistes à Ottawa, la présidente se fait plus évasive. "Nous sommes en pleine restructuration puisqu’en raison de ma santé, j’ai dû transférer mes pouvoirs à un membre du conseil. On verra quelle décision ils prendront", indique-t-elle, la mort dans l’âme. "Il est possible que les nouveaux administrateurs changent la formule. Vous savez, des fois, quand on veut du lucratif… Moi, j’ai tenu à ma passion et à mon concept. J’ai voulu parler de littérature et non pas créer une entreprise Spectra!" laisse-t-elle tomber.

Et devant l’intérêt porté à l’édition d’Ottawa, elle conclut: "Ça me fait chaud au coeur de savoir que j’ai eu raison de m’accrocher, que ce concept plaît et qu’il aurait pu faire tellement plus à Ottawa… surtout qu’il y a des libraires et livres anciens formidables, en plus de l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français qui nous envoyait des écrivains de grande envergure qui offraient de belles prestations. C’était d’une grande délicatesse, ce qui a été fait à Ottawa."

Voilà qui résume ce qu’il est advenu de cette activité qui me tenait à coeur et dont plusieurs s’inquiétaient certainement du sort. En attendant, faudra trouver d’autres moyens de faire revivre et circuler ces oeuvres – encastrées dans des volumes à l’odeur si particulière et jouissive – qui échappent aux modes, aux courants et à la ligne du temps comme d’authentiques classiques immortels.