Andrée P. Boucher : La mairesse est morte… vive la mairesse?
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Andrée P. Boucher : La mairesse est morte… vive la mairesse?

La poussière n’est pas encore retombée à la suite de la mort inattendue de celle qu’on appelait affectueusement "la mairesse".

Élue à la mairie de Québec sans équipe ni pancartes, Andrée P. Boucher aura fait cavalier seul jusqu’à la toute fin. Son décès impromptu laisse les coudées franches au Renouveau municipal de Québec (RMQ), qui détient la majorité au conseil de ville.

La leader du RMQ, Ann Bourget, se garde bien de vouloir profiter de l’intérim pour briguer la mairie. "On est dans une zone de turbulences et tout ce que nous souhaitons, c’est de veiller au bon fonctionnement de la ville dans un esprit de coalition avec l’ensemble des conseillers", a-t-elle confié.

La conseillère municipale du district de Montcalm reconnaît toutefois que le décès de Mme Boucher redistribue les pouvoirs au profit de sa formation. C’est en effet au maire suppléant que revient la charge d’assurer l’intérim en cas de décès. C’est donc Jacques Joli-Coeur, également membre du RMQ, qui tiendra la barre d’ici les élections.

Nul doute, les positions du maire intérimaire seront teintées par celles de son parti. Personnage sympathique au style brouillon, M. Joli-Coeur ne compte plus les années, si bien que personne ne s’attend à ce qu’il s’accroche au pouvoir. Son rôle de maire suppléant était jusqu’à maintenant strictement protocolaire. Sans doute en sera-t-il de même au cours des prochains mois.

En d’autres mots, le vrai pouvoir se retrouvera entre les mains d’Ann Bourget, qui a démontré à maintes reprises qu’elle pouvait piloter le navire, même lorsque la mairesse semait la tempête.

Par ailleurs, les priorités restent les mêmes et la direction que prennent les négociations sur le renouvellement des conventions collectives des pompiers, des policiers, des cols bleus et des cols blancs ne devrait pas changer. "Ce qui va changer, c’est la façon de dire et de faire les choses", précise Mme Bourget.

Même si l’intérim peut s’étirer jusqu’à la mi-janvier, on s’attend à ce que le greffier de la Ville opte pour un scrutin dès cet automne. Personne ne souhaite un scrutin pendant le congé des Fêtes et il serait à propos que Québec ait un maire élu à temps pour le 400e, qui débutera le 31 décembre à minuit.

Quoi qu’on ait pu en dire, le départ de la "dame de fer" permettra de relancer sur une note positive les festivités de Québec 2008. Après avoir égratigné à plusieurs reprises les responsables de l’événement, Mme Boucher n’était plus très crédible dans son rôle d’ambassadrice de la fête.

En janvier dernier, la mairesse avait multiplié les bourdes en accusant le manque de transparence de la Société du 400e tout en critiquant la gestion du Championnat mondial de hockey, dont le contrat n’était rédigé qu’en anglais. La Chambre de commerce de Québec avait condamné la "chasse aux sorcières" entreprise par Mme Boucher alors que le pdg du 400e, Pierre Boulanger, avait confessé son ras-le-bol à la presse. Ironiquement, c’est finalement la Société du 400e qui a ouvert sa bourse pour dénouer la crise. Après pareil épisode, le nouveau maire de Québec n’aura pas à faire beaucoup d’efforts pour insuffler une nouvelle énergie à la fête.

Plus récemment, Mme Boucher s’est entêtée à traiter les promoteurs du Red Bull Air Race comme des vendeurs d’aspirateurs. Comme si elle n’avait pas conscience qu’en devenant mairesse de la Vieille Capitale, elle entrait dans une nouvelle sphère de la politique municipale. Un espace situé entre le ramassage de poubelles et les cocktails diplomatiques. Si elle a montré une prédisposition pour le premier, de l’avis de plusieurs, elle a cruellement manqué de finesse pour les seconds.

C’est pourtant son franc-parler qui rendait la mairesse si sympathique. Mme Boucher incarnait à la fois le pouvoir et l’opposition. Toute sa vie durant, elle a rendu le change à ses électeurs en concoctant quelques-uns des épisodes les plus burlesques de la vie politique québécoise.

En quittant prématurément l’hôtel de ville, le 24 août, elle n’a pas manqué de faire un dernier croc-en-jambe à ses adversaires.

Moins d’une semaine avant son décès, l’ancien journaliste et conseiller de Lac-Saint-Charles, Jacques Teasdale, avait signifié son intention de se présenter à la mairie en 2009 sous la bannière d’un nouveau parti, Solution citoyenne, alors que Marc Bellemare, à qui elle avait fait mordre la poussière en 2005, donnait un nouvel élan à Vision Québec. Aujourd’hui, ses adversaires se retrouvent confrontés à un échéancier 10 fois plus court que ce qu’ils avaient anticipé.

Le RMQ pourrait également pâtir si son candidat défait, Claude Larose, posait à nouveau sa candidature à la mairie. En barrant la route à Ann Bourget, il risquerait fort de déplacer la "zone de turbulences" au sein même de sa formation politique.

Dans la mêlée qui se prépare, c’est l’Action civique du Québec qui pourrait le plus surprendre. Avec quatre conseillers élus au conseil municipal, son coureur pourra compter sur l’appui formel d’une partie du parquet. Ce n’est pas un mince atout.

Après avoir découvert ce qu’il en coûte d’élire une mairesse sans conseillers, les résidants de la capitale pourraient bien se résoudre à voter pour le meilleur attelage.