Cosplay : L'habit ne fait pas le geek
Société

Cosplay : L’habit ne fait pas le geek

La culture japonaise continue de s’imposer: après l’anime, le manga et la Jpop, c’est au tour du cosplay de prendre sa place dans la culture populaire. Après Toronto et Montréal, le voici maintenant à Québec.

Tout d’abord, un peu d’étymologie… Le terme cosplay vient de la fusion des mots anglais costume et roleplay (jeu de rôle). L’activité est centrée sur la personnification de personnages tirés de l’univers des mangas, de l’anime, du tokusatsu et des jeux vidéo. Après avoir fabriqué leur costume, les amateurs se rencontrent dans différentes conventions afin de montrer le fruit de leur travail et d’apprécier celui des autres. Souvent, un concours de costumes est également prévu, de même que quelques mascarades, où les joueurs pourront incarner plus théâtralement leur personnage.

Au Canada, les plus importantes conventions sont sans contredit CNAnime, à Toronto, et Otakuthon, à Montréal, qui attirent un vaste public généralement âgé de 13 à 30 ans. Du côté de Québec, le cosplay a fait son apparition à l’instigation de la boutique l’Imaginaire il y a trois ans. Après des débuts humbles, avec une vingtaine de joueurs, l’événement a rapidement grandi: une centaine de personnes en 2006, puis plus de 150 cette année. "On entendait souvent des clients dire qu’ils allaient à tel ou tel cosplay, alors on s’est dit que ça pourrait être intéressant de leur en offrir un ici", explique Audrey Cliche, membre du comité organisateur. "Les gens qui pratiquent cette activité s’intéressent à la culture japonaise. C’est d’ailleurs un phénomène qui est beaucoup plus présent au Japon que ça ne l’est en Amérique du Nord", ajoute un autre responsable, Jonathan Claveau.

Ce qui attire tout particulièrement les amateurs présents à l’activité organisée par l’Imaginaire, c’est d’abord son ambiance. "C’est l’atmosphère. Tu te costumes. Tout le monde se déguise. C’est vraiment trippant", explique François Lépine. "On est en gang, on s’habille dans le style manga, on fait du roleplay, on se fait prendre en photo. Plus que jamais, on est importants", analyse Simon Houle. "On est un peu des rockstars pour une journée", lance en riant Sabine Cloutier. "C’est comme à l’Halloween. On a envie de quitter, pour un moment, les barrières du monde que l’on voit chaque jour", ajoute Catherine Bergeron.

CENTRAL, LE PERSONNAGE

Bien entendu, le choix du personnage reste capital. "Chaque fois que tu choisis un personnage, il faut penser à la faisabilité du costume, au temps que tu as pour le faire. Et il faut aussi aimer le personnage", indique François Lépine, déguisé pour l’occasion en Reno du jeu Final Fantasy VII. "Ressembler au personnage, déjà ça aide!" ajoute Sabine Cloutier qui, avec quelques vêtements retouchés, s’est transformée en Nami du manga One Piece. Certains prennent plusieurs mois pour réaliser leur costume, d’autres une ou deux soirées. "Le temps de préparation, c’est le fun. Ça te permet d’entrer dans la peau du personnage", ajoute M. Houle. "De plus, la différence entre ces costumes-là et les costumes de monstres, c’est qu’ils sont plus élaborés", estime Élisa Paquette, qui en est à sa huitième création du genre. Mais au-delà du résultat, il y a aussi l’effort, le travail. "Je trouve ça beau de voir la progression des joueurs, je vois l’effort qu’il y a dans leurs costumes", souligne-t-elle.

Malheureusement, ces activités sont parfois regardées de haut par le grand public. "Je trouve que certains manquent d’ouverture d’esprit. On dirait qu’ils ne comprennent pas les heures et la patience que ça prend pour faire ça", déplore Mme Paquette. "Il faut qu’ils voient ça tel un hobby comme un autre", fait valoir Sonia Lemelin. En parallèle, il y a aussi le risque que ce phénomène prenne trop d’ampleur, perde son côté underground. "Avec plus de visibilité, ça risque de tourner à la foire et d’ainsi perdre son identité", expose Danny DeLéon. "Ça aurait presque un aspect touristique dans lequel on deviendrait une attraction", ajoute Mme Lemelin.

De son côté, François G. Couillard, rédacteur en chef du fanzine dédié à l’univers ludique Puissance maximale, voit en de telles activités un aspect "thérapeutique". "Les gens ici trippent sur les mangas. Ils s’identifient eux-mêmes à ces personnages. Ils extériorisent une partie d’eux-mêmes qu’ils ne peuvent pas exposer dans leur vie courante. Il faut accepter ce trip-là et l’encourager", remarque-t-il. D’ailleurs, le phénomène risque bien, selon lui, de croître au fil des prochaines années: "J’ai l’impression que ça va devenir de plus en plus intense. Les geeks vont se rendre compte qu’ils ne sont plus seuls."