Pop Culture : Libre-échange
La rentrée culturelle s’est faite sous la bonne âme de deux festivals encore aux couches, mais néanmoins solides sur leurs "papattes" et ayant une portée et une maturité sans précédent dans le paysage artistique de la région. Je parle bien évidemment du biennal Festival Zones Théâtrales (FZT) produit par le Centre national des Arts d’Ottawa, qui en était à sa deuxième édition, et du Festival Images et Lieux (FIL) de Maniwaki, qui en était à sa quatrième année. Ces deux événements ont, chacun à leur façon, atteint un degré d’assurance et de qualité qui les place désormais comme les incontournables les plus courus de la saison. Et ils y sont arrivés en un temps record!
Selon moi, cela s’explique en grande partie par l’importance allouée à tout ce qui se fait en périphérie des présentations données dans l’obscurité des salles – aussi bonnes soient-elles! – et qui consiste en des "zones d’échanges" (pour reprendre la formule du FZT). Rencontres opérées entre festivaliers mais également entre les artistes et le public…
Le FZT, dont la programmation est signée avec brio par Paul Lefebvre, a réussi plus que jamais cette année à être d’abord et avant tout un événement misant sur les rencontres; en multipliant les "zones de libre-échange" avec expositions, lectures et tables rondes, ainsi qu’avec ses 5 à 7, Fins de soirées et Lendemains de veille. Et quiconque a pu "entrer dans la zone" ne serait-ce qu’une fois a pu témoigner de la vitalité de ces échanges qui réunissaient des gens de partout au pays – Ontario, Acadie, Saguenay, Montérégie, Colombie-Britannique, Prairies…! Parce que le théâtre ne s’arrête pas à la performance sur scène… Pour garder en santé cette forme d’art, on doit la décloisonner, la décortiquer, la discuter et la fêter! Bravo aussi pour cette table ronde au thème complexe et épineux qui se penchait sur le degré et la vitesse de solubilité de l’identité franco-canadienne dans la "montréalité". Des discussions animées en ont découlé et ne se sont pas éteintes sur le pas de la porte, prouvant une fois de plus que l’identité est au coeur de l’expression artistique, surtout dans un contexte minoritaire!
En plus d’une programmation cinématographique passionnante, le FIL a, pour sa part, mis de l’avant les métiers de l’ombre du septième art. Ainsi, en plus du concours de courts métrages, de la présence de Kino Outaouais et de la bienheureuse venue de la Wapikoni Mobile qui ont provoqué des "contacts", trois éminents travailleurs du cinéma ont pu discourir de leur passion. Robert Favreau, Ken Scott et Raoul Jomphe ont tour à tour occupé la salle de conférence du Château Logue devant quelques dizaines de cinéphiles pour faire une présentation, en plus de répondre à toutes les interrogations. Et à la façon dont Ken Scott a résumé son séjour au FIL, ces causeries étaient tout aussi stimulantes pour les conférenciers que pour leurs interlocuteurs! La soirée du samedi fut particulièrement éloquente alors que l’on présentait le documentaire Panache d’André-Line Beauparlant. La cinéaste y était accompagnée de Robert Morin (conjoint et capteur d’images dans son film) et c’était réjouissant de voir les Favreau, Scott, Jomphe et Barbeau (Manon, de la Wapikoni) converser et se mêler à l’assemblée qui attendait de pénétrer dans la salle Gilles-Carle pour la projection.
photo: Benjamin Gaillard |
En tout et pour tout, quelque 4000 visiteurs ont assisté au FZT du 6 au 15 septembre et près de 3000 se sont donné rendez-vous au FIL du 11 au 16 septembre. Cela semble bien peu si l’on compare ces chiffres aux événements de ce type qui ont lieu dans les grandes métropoles ou encore aux grandioses festivals musicaux… Mais c’est plus qu’encourageant pour de si jeunes festivals présentés en région!
De plus, plutôt que de donner dans les généralités, ces deux événements ont choisi d’avoir un mandat clair qui fait briller un volet "décentralisé" de la création artistique: le FZT se consacre aux productions des communautés francophones canadiennes et des régions du Québec, alors que le FIL s’attarde aux films à thématique rurale. Exit, donc, les blockbusters de ce monde! C’est avec passion que l’on plonge dans la diversité de ces oeuvres rares, créées dans la vaste et fertile marge. Plonger, c’est aussi se faire le cadeau de l’ouverture sur l’art et participer à son embellissement. Tout simplement.