L'interrogatoire: Marie Chouinard : Marie Chouinard: l'indomptable
Société

L’interrogatoire: Marie Chouinard : Marie Chouinard: l’indomptable

Tandis qu’elle oeuvre à la nouvelle création qui parachèvera en beauté la 10e programmation de Danse Danse, Marie Chouinard revient avec bODY_rEMIX/les_vARIATIONS_gOLDBERG au Théâtre Maisonneuve. Jusqu’en décembre, le public du Musée des beaux-arts de Montréal peut aussi jouer à remixer le drôle de dialogue que Benoît Lachambre et Carol Prieur entretiennent dans son film Cantique no 3.

La scène se déroule en bordure du parc Jeanne-Mance, juste en face de l’immeuble de trois étages qui abrite la Compagnie Marie Chouinard depuis l’hiver dernier. Il est 16h, le soleil illumine la chevelure rousse de la chorégraphe qui se prête au jeu de l’interrogatoire avec cet anticonformisme passionné qui la caractérise.

Voir: Quelles sont vos obsessions du moment?

Marie Chouinard: "Le bonheur, la respiration, la relation intime avec la matière invisible, cette matière qui pulse dans le cosmos et que les scientifiques n’arrivent pas à discerner. Je pense que ça s’appelle la matière sombre. Cette relation mystérieuse et inconnue avec ça se traduit par un état de relation au monde. Pour moi, le simple fait de vivre est un état extrême de méditation."

Qu’est-ce qui vous distingue des autres?

"Tout, absolument tout."

Jugez-vous votre sort enviable?

"Je suis profondément heureuse, j’ai une aptitude pour le bonheur et je souhaite ça aux gens. Être dans le moment et avoir à la fois tout à fait envie que le moment se transforme encore."

Nommez trois artistes que vous n’aimez pas.

"Je ne ferai pas ça."

Nommez trois artistes que vous aimez.

"Je ferai ça. (Rires.) J’aime beaucoup le chorégraphe William Forsythe. Et la très grande poète Brigitte Fontaine qui est, en fait, une chanteuse que je considère avant tout comme une poète. J’ai vu un vidéoclip d’elle sur Internet, tellement génial! Je n’aime pas seulement sa production de disque. J’aime sa façon de faire un vidéoclip, de parler… Je l’adore! Il y a aussi Cy Twombly; c’est un artiste visuel que j’ai découvert au Centre Georges Pompidou, il y a quelques années, et j’ai adoré ça. C’est un des derniers émois que j’ai eus vraiment forts. C’est juste des petites lignes sur du papier blanc ou des petits mots de temps en temps… Alors, devant une oeuvre, je suis partie à pleurer. Devant une autre, je suis partie à rire. C’était vraiment extraordinaire: la charge, la finesse…"

Que dirait votre épitaphe?

"Je n’aurai pas d’épitaphe parce que ce n’est pas dans mon planning de mourir."

Qu’est-ce qui vous fait encore peur?

(Elle réfléchit longtemps.) "J’essaye d’abord de trouver quelque chose qui me fait peur pour voir si ça me fait encore peur… (Elle réfléchit encore.) Si on me fait "bouh!" par surprise, j’ai le coeur qui bat et j’ai vraiment une réaction physique très forte."

Qu’est-ce qui vous met en colère?

"La colère, c’est rare. Ça a dû m’arriver deux ou trois fois seulement, et j’avais trouvé ça vraiment formidable. Je ne me souviens pas de ce qui m’avait mise en colère, mais je me souviens du feu et que c’est vraiment un moment de bonheur. C’est volcanique, c’est superbe comme émotion. Très très formidable. Pas du tout quelque chose de désagréable, alors qu’être fâchée, ce n’est pas jouissif comme la colère. C’est quelque chose d’explosif, de total, d’organique. J’ai adoré ça!"

Où étiez-vous, il y a 10 ans?

"J’allaitais mon fils Théodore sous un pommier. Il avait trois mois."

Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire?

"J’ai déjà reçu, regarde ce bâtiment-là… J’ai déjà reçu… (J’insiste.) Je le sais! J’aimerais recevoir une altération de mon code génétique pour vivre assurément jusqu’à 180 ans. Parce que c’est dans notre code génétique qu’on ne peut pas dépasser le 120. Alors moi, je dis 180. Pourquoi je n’ai pas dit 1000?" (Elle éclate de rire.)

Qu’aimeriez-vous oser faire?

"Danser un solo. Ça fait 15 ou 16 ans que je n’en ai pas dansé."

Que pensez-vous des journalistes?

"En général, ce sont des gens que je rencontre pour des entrevues… Et c’est pour ça que je voulais qu’on se voie en personne parce que très souvent, je donne des entrevues en Europe, en Asie, etc. Alors je suis souvent au téléphone. Donc, quand j’ai la possibilité de les voir, j’aime mieux les rencontrer et, en général, je trouve ça sympathique. C’est comme des petites amitiés, comme des petites perles dans le temps, comme si, tout à coup, on se parle alors qu’on ne se connaît même pas. Je trouve que ce sont des situations assez charmantes; c’est spontané. C’est en général ouvert des deux côtés, et je me sens assez bien là-dedans."

bODY_rEMIX/les_vARIATIONS_gOLDBERG
Du 4 au 6 octobre
Au Théâtre Maisonneuve

e-art: nouvelles technologies et art contemporain
Jusqu’au 9 décembre
Au Musée de beaux-arts de Montréal