Pop culture : Jeu-manie
J’avais 11 ans. Ce matin-là, j’avais moi-même noué mon chignon et enfilé sagement la blouse rouge fleurie (!!) et la jupe que ma mère avait soigneusement préparées pour l’occasion. Elle et moi nous apprêtions à participer au jeu télévisé intitulé Secrets de famille. Animé par Jacques Auger, le quiz consistait à mettre un des deux membres de la famille dans l’isoloir (le parent ou l’enfant) alors qu’on dardait l’autre de questions, pour ensuite comparer les réponses avec celles de son parent, et ainsi de suite. Vous vous en souvenez? On se connaissait si bien ma mère et moi et nous nous étions si bien préparées qu’on avait remporté les deux manches haut la main, laissant deux fillettes et leurs mamans repartir bredouilles. Après avoir étouffé sous les projecteurs et le maquillage pendant une bonne demi-heure, on était reparties avec, tenez-vous bien, un baladeur jaune Sony et un Sega Genesis (rendant frérot encore plus fier que petite soeur)! À l’époque, ce n’était pas le gros lot, mais c’était pas loin.
Pourquoi est-ce que je vous parle de cette drôle d’expérience? Parce que certains jeux télévisés d’aujourd’hui me font faire de l’urticaire! Il m’apparaît que nous avons transposé la perversion que peuvent parfois engendrer les téléréalités dans les jeux télévisés! Tenez, prenez seulement ce fameux Banquier où les concurrents n’ont qu’à choisir des petites mallettes pleines de cash pour gagner des centaines de milliers de dollars (jusqu’à un demi-million)! Comment est-ce qu’on réussit à avoir un accès à ce plateau? Il suffit d’avoir une personnalité flamboyante et de séduire les juges de PKP et le tour est joué! D’un autre côté, le jeu-questionnaire Tous pour un demande à ses concurrents de connaître un sujet jusque dans ses plus infimes détails pour gagner, quoi… 10 000 $, 20 000 $ s’ils survivent à la première émission! Un des derniers concurrents qui avait appris les épisodes des Belles Histoires des pays d’en haut par coeur avait consacré pas moins de six mois de sa vie à cette participation.
Et lequel de ces quiz récolte les plus grandes cotes d’écoute? Le premier, bien sûr! Pourquoi? Parce que tout un chacun peut s’imaginer être cette personne qui choisit des valises. C’est l’effet Cendrillon: un nobody qui est soudainement sous les projecteurs et riche en l’occurrence! Alors que dans le deuxième cas, les téléspectateurs ne s’imaginent pas être capables de mémoriser autant d’information et zappent rapidement ce quiz où les concurrents sont pourtant beaucoup plus impressionnants.
D’accord, la matière grise n’était pas mise à grande contribution dans Secrets de famille, mais au moins l’émission faisait la promotion des valeurs familiales et encourageait les familles à participer à la maison. L’équivalent aujourd’hui serait peut-être Le Moment de vérité de Patrice L’Écuyer où des familles, des amis ou des collègues doivent relever des défis dans des domaines qui leur sont inconnus. Ainsi, les candidats doivent faire un réel effort pour réaliser cette épreuve de contre-emploi. Les prix? Voyages, voitures, cinémas maison, consoles vidéo, etc. C’est plus que raisonnable, pour un effort proportionnel.
Ce qui me tanne et m’insulte des Banquier, Poule aux oeufs d’or et autres quiz américains à grosse piasse, c’est que mis à part une petite dose de stratégie, le jeu ne repose que sur le hasard! Comme gratter des petits billets de loto ou jouer au casino… Cette propension à reproduire ces jeux de hasard au petit écran, à potentiellement faire rêver les dépourvus, les joueurs, me pue au nez.
Je ne pensais pas voir les jeux télévisés revenir en force à ce point. C’est vrai, on ne les compte plus cette saison: Le Cercle, Paquet voleur, L’union fait la force, Dieu merci!. Même MusiquePlus s’y met en renouvelant l’éculé Coup de foudre. Mais depuis l’époque de l’inoffensif Secrets de famille, la télévision a fait place à certaines émissions qui prônent des valeurs empoisonnantes. Et c’est résolument cela qui a fait que la boîte noire de ma maison et moi ne nous entendons plus si bien…
Enfin, nous sommes loin de l’époque où une seule chaîne commandait le monde. Or, devant ces orgies de loterie télévisée, moi je choisis de la fermer!