On se croirait dans un épisode de Virginie. Toute cette histoire autour du off Festival international de la poésie tombe franchement dans la démesure. Ça fait une semaine que le conflit a éclaté, et le feu brûle encore.
Même avec le recul, je ne comprends toujours pas la réaction de la direction du FIPTR et de quelques-uns de ses partisans. C’est comme s’ils avaient décidé de tuer une mouche à coup de douze – pardonnez-moi l’analogie; il en pleut tellement depuis le début de cette vilaine querelle. Mais il me semble qu’on aurait pu réagir un peu moins promptement dans ce dossier. Gaston Bellemare, le président du FIPTR, n’y est pas aller de main morte en traitant les instigateurs du off de "parasites". Lui qui aurait dû voir en cette initiative une jolie fleur faite à son événement parrainé par Quebecor.
Au fait, je ne comprends pas pourquoi on "craint" tant ce festival parallèle – ne nous a-t-on pas martelé, enfants, que les chiens aboyaient quand ils avaient peur? Car le off, organisé par la petite équipe du Charlot, se tient juste au Charlot, il n’étend pas ses tentacules; il n’a pas la prétention de vouloir renverser le FIPTR. D’ailleurs, si le café-bistro désire ajouter une couleur poétique à sa programmation, c’est bien son droit. Mais le vrai bobo ne se situe sans doute pas à ce niveau. Non, je crois que la blessure est beaucoup plus profonde…
COLLISION FRONTALE
D’après moi, on assiste au choc de deux idéologies: l’une conservatrice et l’autre ouverte sur le monde. La première croit en une poésie qui respecte un code rigide et qui n’existe que dans un recueil digne de ce nom. La seconde, sans pour autant cracher sur la tradition, espère en une poésie beaucoup plus souple qui peut naître dans le refrain d’une chanson, dans un match de slam ou dans une parole d’enfant. Bref, l’une s’adresse à l’élite, l’autre cherche à démocratiser…
Je ne crois pas qu’il faille craindre la démocratisation de la poésie. Au contraire, en servant au public de petites bouchées, on le met en appétit. Tranquillement, on le prépare à goûter des saveurs plus corsées. On ne se lance pas dans l’oeuvre entier de Victor Hugo du jour au lendemain; il faut développer des réflexes de lecture avant. C’est la même chose en poésie. Permettre à monsieur et madame Tout-le-monde de lire une de leurs créations lors d’une activité de micro ouvert, comme l’a proposé le Charlot lundi, n’enlève rien aux auteurs qui écrivent professionnellement. Au mieux, ils profiteront peut-être bientôt de nouveaux lecteurs. Par exemple, dans mon cas, c’est à la suite d’une telle activité – au secondaire, un prof nous avait invités à écrire un poème pour ensuite le réciter devant la classe – que j’ai eu envie de découvrir des poètes dont les mots me parlaient. À moins que ça soit ça, le vrai problème: la poésie est une chasse gardée par un cercle d’érudits. Après cela, on se plaint que les recueils de poésie ne se vendent pas. Vraiment, je n’y comprends rien.
Somme toute, le message général qui se dégage de cette petite dispute m’attriste: si on n’a pas publié, on ne comprend rien à la poésie; monsieur et madame Tout-le-monde ne comprennent donc rien à la poésie; d’ailleurs, ils sont tellement cons qu’ils sont incapables de reconnaître le talent de poètes professionnels. Alors, pourquoi les inviter à la fête si on les méprise tant?