Martin Faucher et Marcelle Dubois : Tous en scène
Société

Martin Faucher et Marcelle Dubois : Tous en scène

Un quart de siècle après les premiers, voilà que se déroulent les seconds États généraux du théâtre. Du 17 au 20 octobre, les professionnels du théâtre – jeunes et moins jeunes – mettront cartes sur table. Un des grands enjeux? La cohabitation.

À l’époque des premiers États généraux, l’auteure et metteure en scène Marcelle Dubois n’avait que trois ans. "Les gens de ma génération, nous arrivons dans une situation où l’activité théâtrale qui s’est développée depuis les vingt-cinq dernières années est super riche. Les modèles, les bâtisseurs, ceux qui ont ouvert les salles, qui ont créé les structures, sont encore vivants. La zone d’artistes âgés entre 20 et 40 ans en est une où chacun cherche un peu sa place dans ces structures déjà établies. Nous n’avons pas encore eu cette magnifique tribune des États généraux pour réfléchir, pour dire: "voici la place que l’on voudrait prendre"", explique-t-elle.

Loin de nier l’importance d’accorder à la relève des outils qui favorisent leur intégration, Martin Faucher, responsable des États généraux et président du Conseil québécois du théâtre, rappelle que l’on profitera du rendez-vous pour réfléchir également à la situation des artistes mieux établis. "Il y a aussi des gens qui ont une pratique depuis vingt-cinq ou trente ans. Je crois qu’il faut réfléchir aux façons qui permettent d’aller loin dans une démarche artistique théâtrale au Québec."

Si l’enjeu des premiers États portait sur la disproportion entre les grandes institutions et une émergence qui foisonnait, vingt-cinq ans plus tard, il y a autant de grands théâtres que de petits théâtres. Il y a une diversité d’esthétiques et de publics. Comment composer avec un flot émergeant tout en faisant perdurer la pratique théâtrale? Voilà le grand défi actuel. Un défi considérable, mais pas impossible à surmonter. Car, même s’il y a plusieurs réalités et plus d’un discours, les couteaux ne volent pas bas pour autant. "On doit faire en sorte que la cohabitation soit saine et que la rancoeur ne s’installe pas, souligne Dubois. C’est sûr que si tu fais partie d’une réalité, qu’elle soit émergente, intermédiaire ou bien établie, c’est essentiel que tu la désignes. C’est très tentant de tirer la couverte de son côté, mais on arrive quand même à bien se comprendre."

"Ce n’est pas que la cohabitation soit difficile, lance Faucher. Je crois que tout le monde s’accommode avec pas grand-chose. J’aimerais que l’on puisse déterminer un réseau de diffusion solide. Il y a plusieurs réseaux de diffusion qui sont en place, mais ils ne sont pas assez alimentés. On a des institutions théâtrales, on a des salles, mais il y a un sous-financement qui occasionne des ressources humaines faibles, et ça fait en sorte que tout le monde fonctionne un peu cahin-caha."

LES COMPAGNIES SANS TOIT

Pour Dubois, on ne peut parler de cohabitation artistique sans se pencher sur la situation des théâtres sans domicile fixe. Puisque ces compagnies sont accueillies par des théâtres ayant eux-mêmes leur propre vision artistique, l’arrimage entre la direction artistique des institutions théâtrales et celle des compagnies itinérantes est épineux. "L’accès à la scène et à une saison théâtrale est assez difficile pour les compagnies SDF. Il y a différents théâtres qui ont trouvé leur niche. Le Théâtre de la Banquette arrière, avec La Licorne, en est un exemple. Il y a bel et bien des familles de pensées artistiques qui se développent. Mais quand tu sors de ces rangs-là, ça devient plus difficile: soit tu tombes en location de salle, soit tu essaies de t’inscrire dans une saison. Donc, c’est long avant d’arriver à produire un spectacle. Il peut facilement se passer quatre ans entre le moment où un spectacle s’écrit et le moment où il se joue."

Un des moyens de désamorcer ce problème est certainement La Centrale, un projet que l’on attendait pour cet automne, mais qui a dû être repoussé. Ce lieu accueillerait des compagnies émergentes ou celles qui ne s’inscrivent pas dans les pratiques théâtrales des directions artistiques plus institutionnelles. "Ça prend un endroit qui permette des conditions d’accueil où tu n’as pas besoin de vendre ta chemise et ton pantalon pour produire un spectacle", insiste Dubois.

"Il sera important de déterminer les choses qui doivent être pleinement investies, de faire en sorte que les différentes générations et esthétiques théâtrales puissent bien fonctionner, affirme Faucher. Une compagnie qui a 60 ans d’existence peut et doit tenir compte de la personne qui sort de l’école. Mais il ne faut pas que cette personne monopolise l’attention et discrédite l’expertise de l’autre." Pas de doute, les quatre jours des États généraux du théâtre donneront lieu à de captivantes discussions. Espérons que les propositions qui en découleront soient aussi stimulantes.