Pop culture : L’oubli…
"Je me souviens"… Ça a beau être la devise du Québec, je crois qu’on a plus tendance à oublier qu’à entretenir les vieux souvenirs. Le vendredi 19 octobre se tient la 18e Nuit des sans-abri. Pendant toute une soirée, des activités de sensibilisation au problème de l’itinérance seront organisées au parc Champlain à Trois-Rivières. Qu’on ait envie ou non de se fermer les yeux sur la situation, oui, il y a des gens dans la région qui n’ont que la rue comme refuge; des individus qui, sans en avoir fait le choix, se retrouvent en marge du système. Une dure et triste réalité. Cependant, ça me chagrine davantage quand, alors que certains grelottent contre un parapet, d’autres râlent parce que leur parka n’est plus du tout à la mode, et qu’il faut en racheter un autre, ou jettent à la poubelle de chaudes bottes d’hiver au design désuet.
Je trouve qu’on oublie souvent la chance qu’on a d’avoir un toit, un lit douillet pour dormir, des plats qui fument sur la table, des vêtements chauds et confortables, une famille et des amis qui nous aiment, un travail; bref, tous les éléments propres au bonheur qui sont là, juste à côté de nous. Mais ils font tellement partie de notre quotidien qu’ils deviennent banals. Alors, on en veut plus, surtout qu’avec le crédit, un serpent qui s’enroule sournoisement autour de nos gorges, tout est possible. On agrandit la maison, opte pour une voiture performante, craque pour des vêtements griffés, achète la tondeuse dernier cri… On s’étourdit, on s’engourdit; on remise bien au fond de notre mémoire l’"essentiel", car ce n’est pas assez. La note de passage, ça manque de tonus. Il faut viser la perfection. Mais, imaginez, si par une froide nuit de janvier, vous aviez oublié vos clés, votre portefeuille et votre duvet dans votre automobile, dans une ville étrangère, alors que tous les commerces sont fermés jusqu’au petit matin, vous penseriez à quoi? Sans doute à tout ce que vous possédez et dont vous avez oublié la valeur. Pourquoi est-ce toujours lorsqu’on se réveille d’un cauchemar qu’on comprend l’importance des choses ou qu’on voit leur beauté?
FAIRE L’AUTRUCHE
Il ne faudrait pas attendre de se retrouver à la rue pour savourer notre ancien bonheur. Vous croyez que ça pourrait jamais vous arriver? Je ne souhaite de malheur à personne. Sachez cependant que les itinérants n’ont jamais fait le choix d’être des itinérants. On m’a déjà raconté qu’un riche professionnel ayant fait de hautes études universitaires s’est retrouvé, un jour, "dans le vide" après que sa femme l’ait quitté. Quand on atterrit sur l’asphalte de la rue, ce n’est jamais pour le goût de l’aventure. Les raisons qui mènent à une rupture sociale sont surtout teintées de souffrance, de larmes salées. D’où l’importance de botter au loin nos préjugés. La Nuit des sans-abri se veut d’ailleurs un bel événement pour mieux comprendre cette réalité.