Michel Beaudet : Têtes à succès
Société

Michel Beaudet : Têtes à succès

Les Têtes à claques, c’est des milliers de visiteurs par jour, des t-shirts, des sonneries de portables, des publicités pour une friandise américaine, un DVD, and counting, diraient les anglos. Rencontre avec Michel Beaudet, le créateur du phénomène.

À moins d’avoir été dans le coma au cours de la dernière année, impossible de ne pas avoir entendu parler du phénomène créé par le concepteur publicitaire Michel Beaudet avec ses capsules absurdes mettant en vedette Uncle Tom, Raoul, le pilote, Monique et Lucien. Plus d’un an après la mise en ligne de tetesaclaques.tv, le principal intéressé s’étonne encore du succès des capsules qu’il a créées sans trop y penser: "J’ai écrit les clips Halloween et Willi Waller dans un avion, très rapidement, et les gens les ont tout de suite adorés", raconte-t-il pour illustrer à quel point le succès de ses capsules auprès du public n’a rien de calculé: "On a parfois un bon feeling concernant un clip mais, en général, on est incapable de prévoir la réaction des gens", affirme celui qui n’a pas pour objectif de faire rire les gens à tout prix avec les Têtes à claques.

On pourrait même dire que le rire n’est pas un ingrédient essentiel lorsqu’il crée une capsule: "Quand j’écris, j’essaie de rendre le dialogue le plus vrai possible. Je n’essaie pas d’écrire des textes de stand-up avec des punchs toutes les deux lignes. Je dirais même que la formule derrière les capsules est née d’un accident, car j’écrivais mes textes avant tout pour qu’ils fonctionnent sur le plan technique. Par exemple, le premier "Johnny Boy" ("Aye Johnny Boy, on s’en va au Café des éclusiers", ça vous dit quelque chose?) est à moitié improvisé, mais les gens ont tripé dessus. J’ai donc tenté de garder cette spontanéité-là, de ne pas sur-écrire mes textes", dit-il. En fait, ajoute Michel, la magie des Têtes à claques se produit toujours durant le tournage: "Quand je mets mes fausses dents et que je place ma tête dans la guillotine (pour le tournage, on s’entend), c’est là que ça se passe. J’improvise beaucoup dans la plupart des capsules."

ON SE LES ARRACHE

Depuis leur création dans un sous-sol de Boucherville, les Têtes à claques ont beaucoup voyagé. Pour faire face à la demande, Michel a engagé Hugo Caron à la direction artistique et Simon Parizeau au montage, en plus de relocaliser son entreprise dans une maison située à quelques rues de la sienne. Au cours des prochains mois, son équipe devrait augmenter à 11 employés et la nécessité de déménager dans un nouvel espace, plus grand, se fait sentir.

C’est que tout le monde s’arrache les Têtes à claques. Depuis le début de l’année 2007, celui qui a été élu "artiste qui vous fait pisser dans vos culottes" à l’anti-gala KARV de VRAK.TV, en août dernier, s’est notamment associé avec Bell, la compagnie américaine de bonbons Topps et, plus récemment, avec l’entreprise française de téléphonie mobile SFR et le diffuseur Canal+. Qu’on se rassure toutefois, peu importe le pays où on les retrouve, les Têtes à claques demeurent un produit issu à 100 % de l’imagination fertile de Michel: "Topps et SFR nous ont approchés à cause du site. Nous, on s’est dit qu’on allait leur créer des personnages juste pour eux. Fait intéressant, une semaine après la diffusion, sur Internet et à la télévision, de la campagne pour les friandises Vertigo, des gens nous ont envoyé des courriels pour nous dire que les Américains nous copiaient, alors qu’en fait, il s’agissait de nos nouveaux personnages! Ça nous a permis de comprendre qu’on a vraiment créé une marque, une image facilement identifiable."

Michel n’a pas l’intention de remettre l’aspect création des Têtes à claques entre les mains de quelque concepteur français ou américain chez Topps et SFR, mais il n’écarte pas l’idée de créer des capsules adaptées à leur réalité: "Avec tout ce qui se passe en France, on va peut-être leur faire des capsules qui les touchent un peu plus. Par exemple, au lieu de faire une capsule sur le hockey, on peut en faire une sur le soccer. C’est comme l’humoriste québécois qui adapte ses numéros pour qu’ils résonnent mieux là-bas", estime-t-il.

Plus d’un an après la naissance des Têtes à claques, le créateur n’en revient pas encore de tout ce qui s’est passé: "Tout est allé tellement vite! On a fait affaire avec 48 entreprises différentes et 17 d’entre elles sont des partenaires de première ligne qui ont des employés qui travaillent pour nous à temps plein. Les Têtes à claques sont devenues énormes rapidement, mais à la base, on reste quand même une toute petite équipe. Mais ce qui m’étonne le plus, c’est de voir que les Français aiment les Têtes à claques en québécois. Quand on est allé en France pour étudier les différentes offres qui nous avaient été faites, on nous a dit à l’unanimité de ne pas changer notre accent. C’est très rare que les Français achètent un produit québécois", souligne celui qui prend autant de plaisir à construire son entreprise qu’à écrire les capsules.

THINK BIG

Dès janvier 2008, les 45 premières capsules des Têtes à claques seront disponibles en France sur la chaîne Canal+. Au Québec, on peut maintenant les regarder à la télé, grâce au DVD Têtes à claques.TV. Les capsules (les mêmes que celles diffusées à Canal+), sous-titrées en anglais, français international et québécois, correspondent aux 45 premiers clips réalisés par Michel et son équipe, et ces derniers vont disparaître du site au fur et à mesure qu’ils seront éliminés par le public. Chaque saison de 45 clips finira toujours par se retrouver à la télévision après la diffusion originale sur le site officiel.

Dans un univers où les modes passent vite, Michel ne se pose pas trop de questions au sujet du succès à long terme des Têtes à claques. Au cours des prochains mois, il compte consacrer son énergie à la création de la version anglaise du site, un projet constamment retardé à cause du succès en France: "J’aimerais que le site en anglais soit en ligne en 2008, mais je ne sais pas quand exactement. Quand je serai prêt. Je ne peux plus faire les choses de façon spontanée comme au début", croit-il.

Sinon, il ne s’inquiète pas outre mesure quant à l’avenir: "On me posait déjà la question en novembre 2006. On est tellement occupé qu’on n’y pense pas, mais sinon, rien n’est éternel et c’est normal. Maintenant, combien de temps va durer cette aventure? Je n’en ai aucune idée mais j’ai l’impression que je vais me tanner avant le monde. J’aurai sûrement envie, à un moment donné, de développer d’autres projets", conclut celui qui demeure étonnamment humble et réaliste face au monstre qu’il a créé.

DVD
Têtes à claques.TV
(JKP)