Pop Culture : Le mercenaire des arts visuels
Il y a de cela quelques semaines, j’ai croisé un ami de Montréal qui m’annonçait son intention d’ouvrir, le printemps prochain, un commerce au centre-ville de Sherbrooke. De plus, il m’a mentionné qu’il songeait sérieusement à ouvrir sa boutique du côté sud de la rue Wellington. Mon réflexe fut de lui conseiller plutôt la partie nord. Depuis quelques années, la tendance est claire: les magasins au nord et les bars au sud. Il en était bien conscient, mais pour lui ça n’avait pas de bon sens qu’un centre-ville concentre toutes ses énergies non pas sur une rue, mais une moitié de rue. "Je vais te revitaliser ça, moi, la Wellington Sud!" disait-il. Quand on compare le centre-ville de Sherbrooke à celui d’une ville à peu près équivalente comme Trois-Rivières, je ne peux que lui donner raison. La revitalisation du centre-ville va bon train, mais j’ai l’impression qu’il manque une vision d’ensemble. On favorise des secteurs au détriment des autres.
Pour alimenter cette réflexion, je me suis entretenu avec Bruno Rathbone de la boutique-galerie d’art Oktoshop, qu’on pourrait décrire comme une vitrine d’art urbain. Son commerce avait pignon sur Wellington Sud, mais depuis quelques jours, on peut apprécier sa magnifique façade du côté nord. Il affectionne la partie sud en plus d’y voir quelques bons côtés, comme la visibilité que procure le night life, mais il a dû déplacer ses pénates au nord car plus de gens y circulent. Ainsi, l’avantage principal de ce déménagement est cette nouvelle proximité avec sa clientèle.
Ce nouveau local représente pour l’Oktoshop une meilleure vitrine non seulement pour vendre ses produits (matériel pour le graffiti, revues urbaines, vêtements…), mais également pour promouvoir ses services en arts visuels. Pour rejoindre ses clients, Bruno a dû fournir un effort constant. Aujourd’hui, sa clientèle est diversifiée et de plus en plus abondante: le Cirque du Soleil, la maison Simons, Dimension, Musique Cité, Savoroso, Ripper Skateboard, les bars du centre-ville et… les commissions scolaires! Bruno Rathbone fait non seulement des murales dans les différentes écoles de la région, mais il y donne aussi des formations sur son art… et les jeunes adorent! Son atelier sur le graffiti est le plus populaire lors des journées d’activités jeunesse. Ne croyez pas qu’il leur enseigne à faire du vandalisme. Il effectue au contraire un travail de sensibilisation à ce sujet. Bruno collabore même avec les travailleurs de rue ainsi que la police afin d’élaborer des solutions de rechange pour que la jeunesse puisse s’exprimer convenablement.
Selon Bruno Rathbone, un autre avantage d’être sur la Wellington Nord est le rapprochement physique avec les autres galeries d’art (ArtAzo, Horace…). Ça aide pour la crédibilité à l’échelle locale. Quant à la reconnaissance du milieu, celle-ci est venue très rapidement. De grands noms de l’art urbain ont déjà exposé à l’Oktoshop : Axe, Monk.e, Zema, Produkt… Lors des expositions, le local devient une toile à la disposition de l’artiste. Tous les murs se transforment en oeuvres.
Qu’elle soit au sud ou au nord, la boutique-galerie d’art Oktoshop est un oasis de la rue Wellington. Bruno est fier d’être l’ambassadeur de l’art urbain en Estrie et de participer à l’ébullition culturelle au centre-ville de Sherbrooke. De toute évidence, il pense au profit culturel de sa communauté avant son profit personnel. Cet autodidacte, qui se dit bon peintre avant d’être bon commerçant, a mené ce projet à terme sans aucune subvention car il ne veut pas dépendre des sources de financement. On ne peut que saluer son audace.