Pop culture : Chasse citoyenne
Après le phénomène Where’s George? qui consistait à retracer le parcours des billets de banque américains au moyen de leur numéro de série via le Web, une myriade de micromouvements de ce genre se sont développés, dont certains ont pris des proportions importantes. L’un de ceux-là est le Bookcrossing, auquel 130 pays ont déjà adhéré.
Il y a un petit moment que je m’intéresse à ce dernier, principalement en raison de sa philosophie. Le principe consiste à laisser un livre dans un endroit public afin qu’un individu puisse le trouver, le lire et le remettre en circulation. Les adeptes du mouvement sont habituellement membres du bookcrossing.com et peuvent ainsi inscrire leurs livres de façon à en garder la trace – le nouveau lecteur devra ainsi enregistrer le numéro du livre en ligne, écrire quelques appréciations sur sa lecture et donner les coordonnées de sa remise en liberté.
La pratique encourage donc la libre circulation du livre, la non-propriété de l’oeuvre littéraire dans la mesure où on donne une seconde vie à tous ces ouvrages qui emprisonnent la poussière sur nos étagères. C’est vrai, quoi, nos bibliothèques personnelles sont des prisons de livres: une fois lus, ils restent là, pantois, à attendre qu’on daigne leur donner un coup de chiffon. Un livre qui n’est pas lu ne vit plus, et contrairement à ce que les éditeurs et libraires ont d’abord appréhendé, le bookcrossing ne ralentit point la vente de livres; les participants vont plus souvent acheter le bouquin qu’ils ont découvert sur la Toile plutôt que de partir à sa recherche à la grandeur du globe! Et si on craignait depuis son arrivée qu’Internet allait voler la vedette à l’objet livre, ce phénomène prouve au final que la technologie peut travailler à en faire la promotion!
Toujours à la recherche d’initiatives novatrices à la grandeur du pays, l’émission C’est ça la vie de la télévision de Radio-Canada a d’ailleurs consacré un segment d’émission au phénomène et c’est à son invitation que j’ai pu discourir sur le sujet et en découvrir tous les rudiments. Des reporters de stations affiliées ont par ailleurs libéré des romans en lice aux prix littéraires du Gouverneur général et au prix Giller aux quatre coins du pays. Info: www.radio-canada.ca/cestcalavie
Ma participation m’a ainsi mise sur la piste d’autres activités qui endossaient cette idée de liberté et d’échange. J’ai découvert notamment le postcrossing, qui consiste ni plus ni moins à envoyer des cartes postales à des inconnus de par le monde, et à en recevoir aussi. Une correspondance planétaire dont on peut également suivre les trajets sur un site d’hébergement – www.postcrossing.com – et qui a l’avantage de nous faire découvrir des images et des lieux particuliers à travers les cartes et même les timbres-poste!
J’aime aussi beaucoup le concept des cistes qui consiste en une chasse au (faux) trésor urbaine. J’en avais déjà fait état sur mon blogue avec comme référence le site www.dropspots.org, mais voilà que j’ai découvert son équivalent francophone logé au www.cistes.net. Trente cistes seraient présentement dissimulées au Canada, dont 25 au Québec et 3 en Ontario. Selon le site, une ciste demeurerait "introuvée" en Outaouais à ce jour. Le concept est tout aussi simple: cacher quelques objets sans grande valeur financière – une création artisanale, une figurine, un texte, un CD mixé, un jouet – dans un contenant étanche avec une note explicative et laisser des indices de sa cache sur le site. La personne qui le découvrira devra prendre un objet dans le trésor pour le remplacer par un autre lui appartenant, tout en laissant quelques commentaires dans un carnet et ainsi de suite.
Bien sûr, il faut être passionné de lecture, de correspondance et de chasse au trésor pour consacrer ses passe-temps à ces activités, mais ce qui ressort particulièrement de toutes ces entreprises, c’est qu’elles sont citoyennes et non commerciales. Le citoyen s’approprie ainsi l’espace public, en fait un nid de partage où les trésors circulent et où le Dieu argent n’a pas de prise.