Congrès annuel du Scottish National Party : Scotch et politique
Société

Congrès annuel du Scottish National Party : Scotch et politique

François Rebello, vice-président politique et président de la commission politique du Parti québécois, était présent lors du congrès annuel du Scottish National Party (SNP) qui s’est tenu à Aviemore au nord de l’Écosse le mois dernier.

Les Écossais ont maintenant leur René Lévesque. Alex Salmond, nouveau premier ministre de l’Écosse, leur propose une question référendaire à trois volets: le statu quo, plus de pouvoir au parlement écossais et l’indépendance. Ce référendum aura-t-il lieu? Ce mouvement nationaliste est-il de droite ou de gauche? Est-il pro- ou anti-européen? Comment réagissent les voisins anglais? Les Écossais déclareront-ils leur indépendance avant les Québécois? Je me posais probablement les mêmes questions que vous en débarquant au pays du kilt.

LA QUESTION À CHOIX MULTIPLES

"I intend to place the referendum bill before parliament in time to be enacted in this parliament." C’est dans ces mots qu’Alex Salmond, premier ministre et chef du SNP, a affirmé son intention de soumettre une proposition de référendum sur l’indépendance de l’Écosse d’ici 2010, date limite de ce parlement. Ce référendum pourrait porter sur une question à trois volets si on en croit le livre blanc déposé en août dernier. La grande conversation nationale sur l’avenir de l’Écosse est maintenant lancée. Dans le contexte où Salmond est premier ministre d’un gouvernement minoritaire, sa seule chance de tenir ce référendum dans le cadre de ce mandat est de faire une entente avec les nationalistes décentralisateurs, d’où l’idée de l’option du milieu. Mais en jasant dans les corridors, j’ai vite compris que l’objectif est avant tout d’élargir le débat de façon à procurer à Salmond une image de rassembleur en vue de mieux le placer pour obtenir un mandat majoritaire à la prochaine élection. Les militants du Parti semblent être sur la même longueur d’onde puisqu’aucune contestation de cette stratégie à choix multiples n’a occupé la scène du congrès. Le péquiste habitué aux débats musclés que je suis a d’ailleurs été fort surpris du peu de houle ressenti pendant l’événement.

L’ENJEU ÉCONOMIQUE

Comme au Québec, le mouvement nationaliste écossais a toujours été près de la gauche. En témoigne encore la promesse du gouvernement Salmond d’abolir les frais de scolarité à l’université. L’omniprésence de la cornemuse et du kilt lors du congrès nous rappelle que le nationalisme écossais s’appuie aussi sur une fierté culturelle. Cependant, le discours de Salmond met de l’avant l’idée selon laquelle l’Écosse indépendante pourrait suivre le modèle irlandais. On cite des études constatant que les petits pays européens sont ceux qui connaissent la plus forte croissance des dernières années. En devenant indépendante, l’Écosse pourrait offrir une fiscalité hyper compétitive aux entreprises, attirer des investissements et aller chercher le "bonus de l’indépendance" évalué à 0,8 % de plus de croissance de PIB par année. Les Écossais misent aussi sur l’éventuel contrôle des ressources pétrolières qui sont actuellement sous le contrôle de Londres. Salmond calcule une manne potentielle de 18 milliards de dollars de plus en revenus fiscaux sur 10 ans. Soit amplement pour compenser l’actuelle redistribution britannique qui fait en sorte que le parlement écossais reçoit un montant de 3100 $ de plus par habitant que ce que Londres dépense pour les autres habitants de la Grande-Bretagne. On est loin du discours de l’incertitude politique qu’on fait avaler aux Québécois. Même le budget du Québec souverain préparé par François Legault semble bien conservateur à côté du "bonus de l’indépendance" d’Alex Salmond!

ÉCOSSAIS ET EUROPÉENS

À ma grande surprise, la direction du SNP a réussi à manoeuvrer sans écueil face à la délicate question de l’Europe en obtenant un vote unanime en faveur d’un référendum sur le traité européen sans pour autant annoncer si le SNP serait en faveur du oui. Le SNP réagit ici à la proposition du président français Sarkozy de faire adopter un traité européen par les parlements en omettant de consulter le peuple par référendum. Bien qu’une certaine frilosité soit présente chez certains militants, j’ai senti toutefois une véritable ouverture sur l’Europe. D’autant plus que le SNP compte sur une délégation de députés élus au Parlement européen. Pour un nouvel état indépendant, l’Europe offre un cadre qui minimise les incertitudes quant aux éventuelles relations avec les pays voisins. En ce sens, on peut dire que le fédéralisme européen favorise l’émergence des nationalismes. Les deux vont de pair.

LONDRES MIEUX QU’OTTAWA

Jean Chrétien, comme la plupart des politiciens fédéralistes canadiens, n’a jamais reconnu le droit à l’autodétermination des Québécois. Ce fut une autre surprise pour moi de voir les politiciens londoniens accepter ce droit pour les Écossais: nous ne souhaitons pas qu’ils quittent l’Union, mais s’ils devaient le décider, l’Angleterre n’aurait d’autre choix que d’en prendre acte. C’est ce que j’ai entendu dans les officines du Labour comme des Torries. Bien sûr, certains politiciens anglais ont mis de l’avant une certaine ligne dure. Mais ce n’est pas la partition ou la menace de non-reconnaissance. C’est plutôt celle de proposer de retirer le pouvoir aux députés écossais de voter à Westminster, le parlement de Grande-Bretagne, sur des questions ne touchant pas les Écossais. Cette proposition venant des conservateurs découle directement du fait que le nouveau parlement écossais créé en 1998 dépossède Londres de nombreux pouvoirs (notamment l’éducation et la santé) en Écosse, Westminster conservant ces responsabilités pour l’Angleterre.

Cette ligne dure n’est toutefois pas reprise par le Labour et le très influent hebdomadaire The Economist qui, quant à lui, propose plutôt d’accentuer la dévolution des pouvoirs vers le parlement écossais en le laissant lui-même taxer les écossais pour financer ses champs de compétence. Ce type d’ouverture est également présent en matière de relations internationales. En effet, même si le parlement écossais n’a pas encore 10 ans, le gouvernement britannique le laisse collaborer directement avec l’Union européenne dans les champs de compétence qui lui appartiennent. Il y avait d’ailleurs sur place au congrès du SNP des représentants de l’Union européenne qui ne semblaient pas importuner Londres. Ottawa devrait s’inspirer de la façon dont Londres respecte le gouvernement écossais.

Il est intéressant de noter que le parlement écossais renaît en 1998 à la suite d’un référendum gagné à 75 % sur la proposition de dévolution de Tony Blair, alors premier ministre. Ce parlement avait déjà existé avant 1707, date de l’Union à laquelle les Écossais avaient consenti moyennant rétribution financière. Contrairement au Canada qui s’est bâti sur les décombres d’une conquête militaire, l’Union britannique n’a pas été signée dans un contexte de domination.

COMME EN 1976?

Est-ce que l’ouverture des voisins anglais présage une évolution rapide de l’Écosse vers son indépendance? Les sondages laissant voir une progression récente de l’appui à l’indépendance de 23 % à 35 % de l’électorat, on peut se permettre de parler de circonstances favorables. Mais ici notre expérience québécoise peut être utile. Même si parfois la souveraineté dépassait les 50 % en dehors des moments fatidiques, le résultat des référendums québécois a bien sûr toujours été plus bas. À moins que les Écossais soient moins peureux que nous, la marche écossaise risque d’être longue. En fait, elle a déjà été fort longue. Le SNP a été créé en 1934, et ce n’est qu’en mai dernier qu’il a pris le pouvoir pour la première fois, et encore comme gouvernement minoritaire. C’est la frénésie québécoise de 76, mais majorité en moins! J’ai senti toutefois une confiance en soi plus grande que chez nous. Je pense qu’elle a tout à voir avec le fait que les Écossais n’ont jamais été conquis. Contrairement aux Québécois.