Karina Goma : Babylone, PQ
Karina Goma signe Un coin du ciel, un documentaire touchant sur les réalités de l’immigration. Elle a côtoyé les travailleuses sociales du CLSC Parc-Extension et fait le portrait sensible de ces nouveaux Québécois dont on parle tant depuis un an.
Pourquoi avoir choisi le CLSC de Parc-Extension comme théâtre de votre documentaire?
Karina Goma: "Nous avons choisi ce quartier pour sa position démographique et géographique. Parc-Ex est un quartier très petit: deux kilomètres et demi carrés ceinturés par le Métropolitain, le boulevard de l’Acadie et Ville Mont-Royal. C’est un quartier très dense avec une population immigrante importante et variée. Et puis il y règne un esprit de village. Tout le monde se connaît. Nous avons eu, avec ma productrice, Monique Simard, l’idée de faire un documentaire en huis clos, dans le CLSC Parc-Extension. C’est un peu le coeur battant du quartier parce que c’est là où les gens viennent essayer de résoudre leur problèmes de la vie quotidienne."
Vous laissez toute la place à vos sujets dans votre documentaire. Un coin du ciel n’est pas un film à la Michael Moore. Vous n’y allez pas de vos commentaires et ne vous mettez pas en scène.
"Dans tout documentaire d’auteur, il y a un point de vue. Mais j’avais, avant tout, l’envie de regarder vivre les gens de ce quartier et surtout de leur donner la parole. C’est une démarche qui demande plus de temps et d’énergie que d’avoir une narration ou que de faire appel à des experts qui nous auraient expliqué comment l’immigration se déroule ou devrait se dérouler. Ces derniers mois, on a beaucoup parlé au nom des immigrants, on a beaucoup parlé d’intégration, beaucoup analysé les flux migratoires, mais on a peu entendu s’exprimer les principaux intéressés."
Qu’avez-vous retenu de votre rencontre avec des gens d’horizons aussi variés?
"Ça a changé mon regard sur les immigrants. Vivre le parcours de ces gens-là m’a beaucoup inspirée, m’a émue et m’a fait prendre conscience des problèmes auxquels je ne pensais pas. J’ai passé des mois à filmer dans des logements avec des coquerelles, à documenter les conditions difficiles dans lesquelles vivent ces immigrés. Je voulais comprendre de l’intérieur à quoi ces vies-là ressemblent."
Mais il ne s’agit pas ici de faire du sensationnalisme ou du misérabilisme! Les problèmes de drogue, de violence, d’intolérance religieuse sont absents de votre documentaire.
"D’une certaine manière, ce que j’ai vu m’a beaucoup rassurée. On parle beaucoup, en ce moment, de confrontations entre immigrés et Québécois, de quartiers en difficulté, de violence chez les immigrés. Ce n’est pas ce que j’ai vu. C’est certain qu’il y a des problèmes, comme partout. Mais j’ai surtout été témoin de situations où les habitants se battaient pour trouver des solutions à leurs problèmes; les gens se tendaient la main. Ce sont des gens qui font beaucoup d’efforts pour vivre ici dans le respect de leur terre d’accueil. J’ai retrouvé chez ces exilés une vraie sensibilité aux autres et beaucoup de solidarité. Il y a une véritable vie de quartier dans Parc-Extension. Une vie de village qui n’est pas très différente de ce que l’on retrouve en région."
Cette solidarité existe-t-elle entre gens d’ethnies différentes?
"Oui, on se parle beaucoup dans Parc-Extension. Étonnamment, des gens qui ne se seraient pas rencontrés dans leur pays d’origine se côtoient. C’est le cas de Zila, cette femme pakistanaise chrétienne qui était isolée et persécutée dans son pays d’origine et dont les grands amis, à Montréal, sont des musulmans pakistanais. Ici, les meilleures amies de ses filles sont des musulmanes voilées. C’est un rapprochement qui n’aurait pas pu avoir lieu au Pakistan."
L’immigration peut être dure pour ceux et celles qui la vivent. On sent tout de même chez ceux dont vous faites le portrait que l’espoir d’une vie meilleure est très vivant.
"Même si ces immigrés ont la nostalgie de leur pays d’origine, leur vie au Québec demeure meilleure que celle qu’ils avaient là-bas. Beaucoup de ces gens-là ont quitté leur pays pour assurer un meilleur avenir à leurs enfants. Et c’est vrai que leurs enfants vont nécessairement avoir plus de moyens économiques et linguistiques que leurs parents. Ce qu’on observe, c’est que les deuxième et troisième générations arrivent à atteindre un bon équilibre entre l’identité de leurs parents et celle qu’ils ont déployée ici. C’est ce qui fait que Montréal a toujours été une ville où des gens très différents peuvent vivre ensemble sans heurts."
Du 7 au 13 décembre
Au Cinéma Parallèle