Carlos Ferrand : Un pays tranquille
La seule chose que je n’aime pas de la notion d’accommodement raisonnable, c’est son nom. Si au moins on pouvait l’appeler "Ah! Comme l’immigration me fait bander!", je serais plus heureux. Mais soyons positifs. Ce qui m’a fait souffrir le plus pendant mes 30 ans de vie au Québec, c’est le silence et l’absence de discours sur ce sujet. Je suis ravi de voir qu’enfin on parle, qu’on dit les choses.
On ne pourra plus jamais affirmer: "Ici, on n’est pas racistes." La commission aura mis au jour cet état de fait. Est-ce que ça veut dire que les Québécois sont plus racistes que les autres? Pas du tout. Mais est-ce que savoir qu’il y a autant de racisme ici qu’ailleurs est une bonne nouvelle? Non. Le racisme n’est ni normal ni naturel, ce n’est pas inhérent à la nature humaine. Je regarde nos enfants, éduqués dans des écoles où les élèves viennent de partout dans le monde. On n’y sent pas l’attitude typique du misonéiste. Misonéisme: peur quasi superstitieuse de tout ce qui est nouveau ou différent.
J’en veux beaucoup aux titres sensationnalistes des médias qui mettent l’accent sur les extrêmes, mais il ne faut pas non plus les blâmer pour ce qui arrive. Les médias n’inventent rien, c’est juste que souvent ils jouent leurs sales petits jeux pour vendre plus.
Je suis surpris de constater autant d’hostilité envers les femmes voilées. Étant donné que je ne la ressens pas, je ne comprends pas complètement cette réaction viscérale contre elles. C’est peut-être à cause de mes origines péruviennes, pays où la grande majorité des gens appartiennent à une culture qui n’est pas occidentale.
Je suis fier de vivre dans une ville où l’on peut voir des gens de partout dans le monde. En même temps, si la richesse de notre monde réside dans la variété de ses cultures, j’espère que celle des "pures laines", blancs, québécois et francophones, sera aussi préservée. La grande richesse du Canada, une des raisons pour lesquelles nous, immigrants, venons vivre ici, c’est qu’on y vit en paix. C’est un pays tranquille. Alors il n’est pas question de laisser les religions se mêler du pouvoir et que les symboles religieux pénètrent l’univers laïque. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’il faut faire une exception pour le crucifix, autrement j’appelle Richard Desjardins pour qu’il explique une chose ou deux sur le véritable sens de "peuple fondateur".