Didier Boutin : Québécois de souche française
Société

Didier Boutin : Québécois de souche française

J’ai adopté le Québec il y a 17 ans. J’y suis la plupart du temps heureux et je me perçois aujourd’hui comme un Québécois de souche française.

Quand on me demande de quelle manière je crois que mon métier ou mon art peut contribuer à ouvrir les esprits en matière de relations entre les communautés culturelles, j’ai deux réponses.

Réponse de Didier le chanteur: Tout est relatif. Le village de Saint-Zénon, dans Lanaudière, est l’endroit où j’ai élu domicile pendant la création de mon dernier album. Dans ce village, le plus haut perché du Québec, les Français sont peu nombreux et les chanteurs de mon espèce, encore moins. Bien que 100 % pure laine, c’est l’exotisme de sa "communauté culturelle" qui a été une grande source d’inspiration. Ce sont eux qui m’ont ouvert l’esprit. J’ai espoir qu’un jour, les dernières communautés francophones des régions rurales du Québec seront protégées en vertu d’un décret spécial et qu’à ce moment-là, nous écouterons ce qu’elles ont à léguer.

Didier le professeur de musique: Depuis 12 ans, j’enseigne aussi la musique à des jeunes immigrants du quartier Parc-Extension. La musique est un moyen d’expression de la différence. Un outil de compréhension, un langage universel qui nourrit ses artistes et ses amateurs.

Malheureusement, dans cette saga d’accommodements raisonnables, les médias ont mis l’accent sur les moments burlesques et je dirais même tristes de la commission Bouchard-Taylor: des extraits de témoignages xénophobes et passéistes. Ce n’est heureusement pas ce que j’entends autour de moi quand j’arpente les corridors de la polyvalente la plus multiethnique du Québec où je travaille. Je crois que la question posée aurait plutôt dû être: Croyez-vous que les immigrants s’accommodent à la culture québécoise?

Je ne crois pas que les immigrants travaillent uniquement pour le développement économique et culturel du Québec. Ceux-ci travaillent d’arrache-pied pour pouvoir survivre ici et envoyer de l’argent à leur famille demeurée dans leur pays d’origine. Je ne crois pas non plus que les immigrants saisissent totalement le principe d’"intégration à la culture québécoise". Ils ont souvent payé très cher leur accès à une société prétendument "démocratique". Et voilà qu’ils se retrouvent face à un "monde du travail" qui ne s’est pas adapté à cette nouvelle réalité d’un pays avec une forte immigration. C’est à nous de mettre en place les mesures qui s’imposent et cela implique nécessairement qu’on y dresse quelques balises.

Une minorité de Québécois sont encore en mesure de transmettre les valeurs de leurs ancêtres. Peut-être plus en région, mais dans deux ou trois générations, au rythme où vont les choses, "Québécois de souche" n’aura plus de signification. Certains cépages d’origine française poussent désormais mieux en Californie. Des vignerons visionnaires et jadis perçus comme des fous ont favorisé leur enracinement et façonné une nouvelle terre propice à leur épanouissement. Je persiste à croire que l’on gagne toujours à s’inspirer de la nature… et qu’il ne faut pas nécessairement s’attrister de l’évolution des choses.