Jérôme Minière : Évitons de se replier
Société

Jérôme Minière : Évitons de se replier

Non, ma compréhension de l’expression "accommodements raisonnables" ne s’est pas améliorée en douze mois. Je pense surtout que l’on a ouvert une boîte de Pandore et que nous pourrions tous en parler pour l’éternité. Or, la plupart des problèmes évoqués me semblent être de l’ordre du fantasme. Je crois que ces problèmes identitaires se posent dans tous les pays occidentaux ces dernières années; chaque pays réagit à sa manière.

Grosso modo, il y a eu deux systèmes d’intégration avec leurs limites, qualités et défauts respectifs: l’anglo-saxon, qui met l’accent sur la coexistence des différentes communautés, et le français, qui prône l’acceptation plus stricte des valeurs laïques du pays d’accueil. Le Québec me semble se situer un peu à cheval entre ces deux approches, moins communautaire qu’au Canada anglais, mais plus souple qu’en France.

Mon métier peut contribuer à ouvrir les esprits en matière de relations entre les communautés culturelles, car si je prends l’exemple de Montréal, le brassage des cultures et des langues est un terreau extrêmement fertile pour la création artistique, une chance unique pour les artistes. Le repli communautaire est quelque chose de triste pour les artistes, où qu’ils soient.

Je comprends la crainte de beaucoup de Québécois d’être engloutis à moyen terme par le reste du continent anglophone. Vivant ici depuis 11 ans, j’ai aussi cette crainte que la langue française, et tout ce qui va avec, ne devienne dans quelques générations qu’un souvenir folklorique. Mais je ne crois pas pour autant qu’il faille nous replier dans le manteau de nos peurs et devenir immobiles comme des statues. Derrière ces craintes il y a aussi la blessure du pays perdu, du pays imaginé et jamais reconquis. Pour moi, l’identité québécoise est toute entière dans cette blessure non refermée, et franchement, je ne sais pas comment elle peut être guérie… Soit devenir un pays, soit passer à autre chose, pour de vrai…

Les Québécois "de souche" ne doivent pas avoir peur et se replier. En ces temps de profondes mutations sur tout le globe, le réflexe de tous les peuples, de toutes les communautés est de se replier sur eux-mêmes, mais cela ne peut amener que guerres et incompréhension. Une question urgente et grave comme celle de l’environnement peut nous permettre de dialoguer, de dépasser nos différends à l’échelle mondiale.