Marc Boucher : Marc Boucher, personnalité de Québec 2007
Société

Marc Boucher : Marc Boucher, personnalité de Québec 2007

Le départ de la mairesse a laissé un vide qu’il ne croyait pas devoir combler. Quelques heures après le décès de son épouse, Marc Boucher défrayait la manchette. Il n’a pas cessé depuis.

L’entrevue vient à peine de commencer que le ding-dong de la porte nous interrompt. Marc Boucher laisse tomber le combiné et revient tout sourire. "Ça ne pouvait pas mieux tomber. C’est un citoyen venu me remercier d’avoir éclairé les électeurs en appuyant Régis Labeaume."

Quelques secondes plus tôt, lorsque je lui avais annoncé que Voir lui décernait le titre de personnalité la plus influente de la capitale en 2007, il avait feint de protester. "Je ne suis pas un king maker", s’était-il défendu.

Après cette visite impromptue, plus personne ne s’y trompe. Lui non plus.

Sans son appui, Régis Labeaume serait toujours un millionnaire en mal de distractions, alors que la chef du Renouveau municipal de Québec (RMQ), Ann Bourget, se serait faufilée entre 14 candidats à la mairie avec seulement un vote sur trois.

N’empêche, le dentiste de Sainte-Foy prend tout juste conscience de l’influence qu’il a sur le devenir de la ville. "Je ne me voyais pas plus influent que M. Tout-le-monde, confie-t-il. Si mon opinion a eu autant de poids, c’est d’abord une question de succession. Les gens réclamaient mon Andrée et, finalement, c’est moi qui étais le mieux placé pour savoir qui peut se réclamer de son héritage."

LA RÉGENCE

Depuis le décès de sa femme, Marc Boucher suscite l’admiration. Alors que les camions de télévision entreprenaient le siège de sa résidence, un cortège de citoyens déposaient des bouquets des fleurs sur la pelouse.

Le plus étrange, c’est que ça n’a pas arrêté depuis. L’oraison funèbre a cédé le pas à l’admiration pour le conjoint de la défunte. "Toutes ces années, je suis resté dans l’ombre volontairement. Ce n’est que depuis le décès de mon épouse qu’on m’a demandé de commenter l’actualité… et je m’y suis d’abord résolu avec réticence. J’ai donné ma première entrevue au 93,3. C’est à partir de là que je me suis retrouvé à l’avant-scène."

Partout, au marché, dans la rue, les gens l’arrêtent pour le saluer. Loin de s’en indigner, il apprécie ces rencontres avec la population. "Ça me fait plaisir. J’ai tellement de témoignages, ça n’arrête pas."

L’homme dégage la même aura que son épouse. Attentif et généreux, il aime discuter politique et a une opinion sur tout.

On sent que ces manifestations le touchent, qu’elles sont pour lui le signe que "la mairesse" est toujours vivante dans le coeur des citoyens. Un baume pour cet homme qui a vécu le deuil de sa femme dans la mire des kodaks. "Andrée était une femme très humaine. Lorsqu’elle s’adressait à une assemblée, elle avait un bon mot pour tout le monde. Je regrette son départ, car si elle avait vécu encore quelques années, je pense que Québec aurait retrouvé sa grandeur."

S’il s’est fait discret ces 40 dernières années, ce n’est pas faute d’avoir cheminé sur la place publique. "L’importance qu’a prise la carrière d’Andrée a vite fait oublier mes années à la tête de l’Ordre des dentistes du Québec. Pendant les 40 années où ma femme a fait de la politique, jamais je ne me suis prononcé sur la scène municipale. Mais jamais elle ne s’est mêlée des affaires de ma clinique. Nous avons compris ça rapidement!"

LE DAUPHIN

Il faut bien l’admettre, au cours de la course à la mairie, "l’héritage Boucher" est devenu un véritable enjeu électoral. À tel point que le 2 décembre dernier, la question n’était pas tant de savoir qui dirigerait le mieux Québec que qui incarnerait le mieux le fantôme d’Andrée P. Boucher.

Pas un candidat n’a manqué de rappeler son admiration à l’égard de la mairesse et son désir de perpétuer son oeuvre. "Ils n’avaient pas tous le droit de se réclamer de mon épouse, s’indigne Marc Boucher. Dans certains cas, c’était carrément de l’hypocrisie! Il y a des gens qui l’ont combattue bec et ongles et qui se ralliaient soudainement. Des Al Capone de la politique qui voulaient se faire élire président de la Banque de Montréal!"

Pas surprenant si, de tous les candidats, le nouveau maire est celui qui a eu le flair de dîner avec M. Boucher et d’obtenir son approbation de vive voix.

Parti avec 5 % d’appuis lors du premier sondage sur d’éventuels candidats à la mairie, Régis Labeaume avait à peine quelques points d’avance sur Marc Bellemare et Claude Larose lorsqu’il a dîné avec le conjoint de la mairesse. Rien d’inquiétant pour Ann Bourget, qui savait pouvoir compter sur le tiers des appuis.

Au terme de ce repas, coup de théâtre. Le "vous pouvez compter sur moi" que Marc Boucher a accordé au candidat indépendant a eu l’effet d’une bombe.

Dans la capitale, la caution morale de l’époux de la mairesse a eu l’impact d’un édit papal dans le Québec des années 50. En venant doper ses appuis, Marc Boucher a permis à Régis Labeaume de réaliser un sprint final que personne n’aurait cru possible en début de campagne.

La machine du RMQ n’y pouvait rien, et l’homme d’affaires a terminé avec près de 30 points d’avance sur Ann Bourget. Pour Marc Boucher, c’est un signe que les partis n’ont plus leur place en politique municipale. "Je crois qu’en 2005, les gens ont dit non au RMQ, même s’ils se sont trompés sur le nombre de conseillers, rigole-t-il en faisant allusion à la majorité de ce parti au conseil de ville. Mais ils ne s’y tromperont plus."

Pourquoi avoir appuyé Régis Labeaume? "J’ai appuyé Labeaume parce que je crois qu’il est le mieux placé pour redonner à Québec son lustre d’antan. Notre ville ne doit pas être une vieille capitale, mais une capitale!" lance-t-il avant d’ajouter que le principal atout de Labeaume est d’abord d’être un indépendant. "Quant à moi, on devrait tous voter pour des indépendants. Un maire, c’est d’abord quelqu’un qui soumet des idées dont les gens, les conseillers municipaux disposent. Mais pour pouvoir voter de façon objective, les conseillers doivent voter pour la population. Pas pour une ligne de parti."

D’ailleurs, il se garde bien d’accorder un appui aveugle à l’homme qu’il a contribué à couronner. "Régis Labeaume incarne l’héritage de mon épouse à sa manière, mais on va voir à l’usage s’il est en mesure de remplir ses obligations. Québec est un immense bateau qu’on ne peut pas virer sur un 10 sous!"

Parvenu à un âge vénérable, le dentiste songe maintenant à prendre sa retraite. "Je pratiquais encore parce qu’Andrée faisait de la politique et était souvent absente." Mais, retraité ou pas, si le nouveau maire ne livre pas la marchandise, Marc Boucher lui réserve un traitement de canal. "Je n’ai pas l’intention de devenir un Karl Talbot de la politique municipale. Mais si ça ne va pas dans le sens que je souhaite, je n’hésiterai pas à retourner sur la place publique."