Maryanne Zéhil : Un vrai dialogue
Après que j’aie vu et entendu une ou deux interventions du genre "Sauvez-nous (de l’envahisseur juif et arabe) monsieur le président" ou encore "C’est à tort que les femmes musulmanes sont perçues comme soumises et dominées…", le débat sur les accommodements raisonnables a pris, pour moi, des allures tellement clownesques que je m’en suis détachée sur le champ. Il est vrai que l’édit ridiculissime d’Hérouxville m’avait prédisposée…
Néanmoins, je m’interroge sur deux choses:
1) Vivre au Québec, pour les tenants d’une certaine tradition, n’est-ce pas une contradiction en soi? Comment alors tolérer la sexualité hors mariage, l’homosexualité, l’enfantement sans liens conjugaux, etc.? Les juifs hassidim, à titre d’exemple parmi tant d’autres, sont très hostiles à la démocratie parce qu’elle place la loi de la majorité au-dessus de celle de Dieu, et parce que leur société est basée sur le primat des hommes (l’égalité entre hommes et femmes est donc impensable). Même sorte de problèmes pour les musulmans, les sikhs, etc.
Posons les choses autrement: et si ce n’était pas la société qui rejetait les minorités religieuses, mais les minorités qui m’excluaient en me montrant que JE suis l’étranger? En présence d’une femme voilée, d’un juif hassidique ou d’un sikh enturbanné, c’est plus fort que moi, je me sens rejetée et non tolérée. Et j’ai plutôt l’impression que la fermeture ne vient pas de moi mais bien de ces personnes dont le dogme semble me dire: "tu es autre".
2) Pourquoi faut-il une commission et des débats sur les accommodements puisqu’au lendemain de la révolution tranquille, les Québécois se sont affranchis du clergé en déclarant leur société laïque? Un non ferme et définitif aurait pu suffire à tous ceux qui essaient de compromettre la laïcité et d’abuser les institutions publiques pour des raisons religieuses. Est-il possible que la chose sur la laïcité ne soit pas vraiment réglée pour les Québécois? Et si certains, chez qui la réminiscence du passé refaisait surface, profitaient de la situation pour répondre à l’extrémisme religieux par le leur, longtemps refoulé?
Ceci dit, je déplore la confusion du débat, qui a amalgamé deux sujets distincts: l’intégration sociale et culturelle des immigrants et les signes religieux et ostensibles que certains intégristes exigent au nom de la démocratie (alors que nous ne sommes pas dupes de leurs buts ultimes). Je déplore aussi le silence des intellectuels juifs, musulmans, etc., qui ont considéré sans doute le débat indigne, laissant ainsi toute la place à des zouaves excités. Je déplore aussi certains médias qui ne sont plus que source de divertissement. Mais je suis reconnaissante à cette commission qui a ouvert le chemin d’un vrai dialogue où kirpan, vêtements noirs, aveuglements, langue de bois et politically correct ont été laissés au vestiaire.