Tassia Trifiatis : Le Band
Société

Tassia Trifiatis : Le Band

Je ne m’y connais pas trop en musique. Mais je sais qu’à Ville Saint-Michel, il était fortement conseillé aux ados québécois de jouer aux immigrants s’ils voulaient être cool. Certains allaient même jusqu’à se trouver de lointains ancêtres irlandais ou français afin de rivaliser avec les élèves fraîchement sortis des classes d’accueil. Par quelques détours généalogiques, ils venaient soudainement d’ailleurs eux aussi. Et accédaient ainsi au monde de l’identifié. C’était à l’école secondaire Joseph-François-Perrault, c’était entre 1992 et 1997 et j’étais au secondaire.

Dans ce temps-là, chacun écoutait son beat: les Latinos, leur salsa et les Haïtiens, leur compas. À chacun son folklore. Les Québécois-de-souche (c’est-à-dire ceux qui ne s’étaient pas déniché d’aïeuls européens malgré leurs nombreuses recherches) ne savaient pas quoi écouter qui ferait entendre leurs origines. Ma mère est québécoise et je suis née ici. J’ai été élevée dans une grande famille, à Montréal-Nord. Mais lorsque j’étais adolescente, je disais que j’étais grecque. Comme papa. Parce que c’était plus pratique pour l’étiquetage culturel. Grecque, ça sonnait. Québécoise, ça n’émettait aucun son particulier.

Malheureusement, être québécois n’était pas à la mode parce que ça ne voulait rien dire sur le plan de la différence. Quelle est la musique du Québécois? Et sa danse, elle? Quelles sont les croyances du Québécois? Qui est son Dieu et où est son temple? Comment danse-t-on lors de ses mariages? Au secondaire, être québécois était synonyme de silence. Personne ne savait quel type de bruits un Québécois émettait. Finalement, personne ne voulait être quelqu’un d’indiscernable. Le Québécois adolescent de Ville Saint-Michel entre 1992 et 1997 s’en foutait de L’Osstidcho.

C’est en voyant la fierté des autres que le Québécois a voulu montrer qu’il avait des raisons d’être fier lui aussi. Les communautés internes bâties par les immigrants nous ont donné envie de former une communauté à notre tour. Le fait de danser sur les traditions des autres a amené les jeunes Québécois à vouloir déterrer leurs propres pas de danse.

Alors on s’est demandé où il était notre folklore et comment on pourrait provoquer notre musique. Mes Aïeux et Les Cowboys Fringants existaient, mais ce n’était pas suffisant pour s’affirmer. Le gouvernement a donc lui-même formé un duo pour qu’ILS entendent vraiment qui NOUS étions: il y avait Bouchard aux cuillères et Taylor à la ruine-babines.

Afin de montrer aux "autres" le beau folklore de chez nous. Je ne crois pas que ça nous aurait été d’un grand secours, dans le temps, à Joseph-François-Perrault.