Ziad Touma : Bande de colons!
Société

Ziad Touma : Bande de colons!

Range ton bordel, sors les poubelles, fais la vaisselle. Viens me chercher, n’oublie pas de m’appeler, pas envie de baiser. Invite ton voisin, accueille ton cousin, aime ton prochain. Même si "l’enfer, c’est les autres", comme disait l’autre, il faut accommoder trop de monde dans notre monde: nos parents, nos enfants, nos chums, nos blondes, nos colocs, nos patrons, nos amis et, depuis peu, il faut être raisonnable avec nos "importés"?

Le Québec a besoin de ses immigrants tout comme ses immigrants ont besoin de leur terre d’accueil. Même avec nos différences culturelles, nos hijabs et nos kebabs, nos turbans et nos safrans, on n’est pas tous givrés comme les fenêtres du YMCA! Et puis une chance qu’on n’est pas tous pareils, quel Québécois aurait bien eu l’idée de manger du poisson cru enroulé dans une algue et du riz? Ici, on sait comment s’accommoder, le sushi, on l’a fait pour emporter, tout comme nos poutines congelées! Au fait, les Québécois ont toujours su s’adapter: une Céline a appris l’anglais pour chanter à Vegas, l’autre Céline a porté le tchador à Kandahar et mon amie Céline a arboré le monokini sur les plages de Saint-Tropez (et pourquoi pas la plage Doré?).

Avant que le chat ne sorte du sac (et que le kirpan ne sorte de son étui de bois), il faut constater que les immigrants ont souvent beaucoup plus de chemin à faire pour s’acclimater que leurs hôtes pour les accommoder. Parfois arrivés de pays où les droits et les libertés ne règnent guère comme au Canada, la première barrière à franchir (après les douanes et le "frette"), c’est la langue. Le français étant ma langue maternelle, c’est au Québec que j’ai appris mon anglais en pratiquant le joual: "C’pas une joke, checke comment j’suis full bad-lucké: j’ai pogné un ticket su’l windshield de mon char que j’ai parké dans slush pour maller ma lettre!" What?

Tout comme plusieurs autres immigrants, mes parents libanais ont bien dû s’adapter à la culture nord-américaine: lorsque je sortais à 15 ans (jusqu’à 3 heures du matin!), conduisais à 16 ans (tassez-vous de d’là!), baisais à 17 ans (je vous épargne les détails…), buvais à 18 ans (c’est ce qu’ils croyaient…) et déménageais à 19 ans ("Mais t’es pas encore marié!" – "Justement…"). Au nom de notre belle province, je leur en ai fait voir des vertes pis des pas mûres, mais tant que j’étais raisonnable, ils s’y sont accommodés.

En partant du concept utopique que la planète n’appartient à personne et que nul n’est en droit de s’approprier la terre, de la séparer en morceaux, l’acheter ou la revendre, lui imposer des frontières, des clôtures et des murs, on doit apprendre à vivre ensemble, dans la mesure où la liberté des uns s’arrête là où le droit des autres commence. Les peuples autochtones ont bien "accommodé" les Européens lorsqu’ils ont "découvert" les terres d’Amérique, maintenant c’est au tour de ces mêmes immigrants installés ici depuis à peine quelques siècles d’accommoder les nouveaux colons! Sauf que… "pousse, mais pousse égal"!