Robert Sutton : Maudits chiens sales!
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Robert Sutton : Maudits chiens sales!

Des chiens sales, des manipulateurs, des bitchs condescendantes… les milieux de travail en sont gravement infestés. C’est du moins l’avis de Robert Sutton, auteur du livre Objectif zéro chien sale.

Professeur de management au département des sciences de la gestion de l’Université Stanford en Californie, Sutton a une dent féroce contre ce qu’il appelle les chiens sales. "Il y a tellement de gens dont la vie quotidienne est gâchée par des arrogants et des cons. Depuis la sortie de mon livre, je suis surpris de voir tous les courriels et les coups de fil que je reçois, qui viennent de gens qui souffrent à cause de leur travail", raconte-t-il au téléphone depuis sa résidence californienne.

Travailler pour un chien sale, ou simplement en avoir pour collègues, a plusieurs effets négatifs. "Ça rend les gens nerveux et malades. Les chiens sales minent l’énergie de leurs victimes et surtout leur estime de soi", affirme-t-il.

Mais le pire effet de cette folie canine, selon l’auteur, est le cercle vicieux qui peut en découler. "Ça rend méchant et ça enlève de l’humanité à tout un chacun. Les victimes sont en colère et ça entraîne la vengeance et les insultes. C’est malsain pour soi-même et pour les autres."

UN VIRUS CONTAGIEUX

Autrement dit, faites gaffe. La maladie du chien sale s’attrape comme la grippe. Afin de savoir si vous êtes un chien sale, Sutton suggère dans son livre une panoplie de questions. Parmi celles-ci:

– Avez-vous le sentiment d’être entouré de crétins incompétents au point où vous ne pouvez pas vous empêcher de le leur faire savoir chaque fois que l’occasion se présente?

– Étiez-vous quelqu’un de sympathique avant de commencer à travailler avec cette bande de crétins?

– Jouissez-vous en secret de la souffrance des autres?

ÉVITEZ D’ÊTRE EMPOISONNÉ

Si vous n’êtes pas encore un chien sale, mieux vaut évidemment éviter l’empoisonnement. La première règle: "Il faut fuir les cons! Il faut être capable de les repérer et de les éviter. Avant d’accepter un emploi, il est préférable de s’informer du mieux que l’on peut sur le type d’atmosphère qui règne dans l’entreprise", explique l’auteur.

Facile à dire, mais pas toujours facile à faire… Néanmoins, si vous ne pouvez vous permettre de refuser un emploi, aussi infesté de chiens sales soit-il, Sutton suggère l’indifférence. "Le mieux est d’ignorer les attaques, ou les regards méchants. Dans les milieux de travail, on valorise beaucoup la passion, mais on devrait aussi valoriser la force de l’indifférence. Elle peut mener loin."

Ainsi, lors de la prochaine réunion, détachez-vous émotionnellement des commentaires dont vous êtes victime. Ce sera la clé d’un retour à la maison en santé.

COMMENT ÊTRE UN BON CHIEN SALE?

Robert Sutton va même jusqu’à donner des trucs pour être un chien sale efficace. Car il ne le nie pas: "La triste vérité est que, oui, il est parfois utile de se comporter comme un chien sale. Ça peut vous aider à acquérir du pouvoir, à battre des rivaux…"

Tant qu’à être un chien sale, aussi bien être performant:

– Vous désirez gravir les échelons? Soyez mordant et arrogant. Rien ne sert d’utiliser l’arme de la tristesse ou de l’amertume pour écarter les collègues.

– Alternez entre les sarcasmes et les compliments. Il s’agit d’une excellente tactique pour déstabiliser vos adversaires.

– Une fois cadre, mettez-vous en équipe digne d’un roman policier: un méchant, un gentil. Si vous êtes le méchant, l’autre pourra calmer et consoler vos victimes. Du coup, ces dernières seront enclines à être reconnaissantes envers le bon, en exécutant des faveurs. Vous finirez par obtenir ce que vous voulez.

– Néanmoins, rappelez-vous: être un chien sale à temps plein n’est pas conseillé. Il faut savoir quand cesser d’humilier vos victimes. Bref, n’y prenez pas trop plaisir. Vous risquez de vous faire mordre à votre tour. C’est ça, la loi du chien sale.

Objectif zéro chien sale
de Robert Sutton
Éd. Transcontinental, 2007, 199 p.