La Centrale : La relève à domicile
Un projet d’envergure se trame actuellement dans le milieu théâtral montréalais. Les Deux Mondes, une compagnie fondée en 1973, souhaite accueillir en ses lieux La Centrale, une entité dédiée à la relève. Ainsi, les créateurs émergents pourraient bientôt – enfin! – avoir un espace bien à eux.
L’histoire de La Centrale en est une de rebondissements. Après deux ans de travail acharné, son inauguration devait avoir lieu en septembre 2007 entre les murs de l’édifice Saint-Sulpice (appartenant à l’UQÀM). Or, l’université est tombée dans la galère budgétaire que l’on sait et La Centrale a perdu son toit avant même d’en avoir profité. Par chance, tout cela est maintenant chose du passé puisque l’équipe des Deux Mondes a proposé d’accueillir celle de La Centrale en ses lieux.
Le projet est étoffé et nécessiterait la construction d’un étage entier à même la bâtisse des Deux Mondes, située dans le quartier Villeray. La Centrale deviendrait un lieu de diffusion, de répétition et d’expérimentation, en plus d’abriter des espaces à bureaux et un atelier de décors. Les plans architecturaux sont élaborés et le budget évalué. Il ne reste qu’à trouver la somme de 1,6 M$. Paraît-il que ça augure bien. "Le projet a été présenté aux instances publiques le mois dernier, souligne Pierre MacDuff, directeur général des Deux Mondes. Je suis très confiant, j’ai senti beaucoup d’enthousiasme venant de toutes parts lors de la rencontre."
Si l’engouement se transforme en argent, les activités de La Centrale débuteraient dès janvier 2009. C’est rapide, direz-vous? Pas tant que ça. Marcelle Dubois et David Lavoie, deux des fondateurs de La Centrale, le crient haut et fort: ça urge! "On n’aura pas l’énergie de tenir ce projet à bout de bras un autre trois ans, soutient Dubois. Je crois qu’il y a urgence de donner une place à la nouvelle génération. Ça fait 20 ans qu’il n’y a pas eu de nouveau lieu théâtral. Il est primordial qu’une génération puisse avoir sa marque dans sa propre ville, qu’elle ait un espace qui lui appartient."
POUR LA SUITE DES CHOSES
Ce projet est un parfait exemple de passation intergénérationnelle, question grandement discutée lors des Seconds États généraux du théâtre de septembre dernier. Cela dit, du côté des Deux Mondes, cette démarche s’inscrit dans une réflexion amorcée il y a quelques années. "Les Deux Mondes ont maintenant 35 ans. On aimerait bien croire qu’il reste plein de belles années de création devant nous, mais il est important de prévoir la pérennité des lieux." Et puis MacDuff ne cache pas qu’un peu de "jeunesse" alimentera certainement la créativité de tout un chacun. "Le transfert du savoir va dans les deux sens, insiste-t-il. C’est ce qui est passionnant dans ce projet. Ce lieu va permettre tellement d’opportunités. Je suis convaincu qu’il va y avoir beaucoup d’échanges et d’atomes crochus."
On parle d’échanges, mais il ne s’agit pas d’un mariage pour autant. Les deux entités partageraient quelques espaces, tels les studios multimédias et les trois salles de représentations ou de répétitions. Mais La Centrale resterait La Centrale. "Ce qui est fascinant dans cet arrimage, c’est que nous portons un projet en soi, souligne Lavoie, directeur général de La Centrale. Habituellement, lorsqu’on se questionne sur les façons dont on va léguer les espaces, on ne fait qu’intégrer la relève à ce qui existe déjà. Tandis que notre intention est plutôt d’arriver à avoir une structure autonome. Je crois que c’est ce qui nous démarque des autres projets de la relève et ça nous fait marquer des points!"
PROTÉGER LA DIVERSITÉ
Sept compagnies ont fondé La Centrale: ARGGL, la Compagnie à numér0, le Festival du Jamais Lu, le Théâtre de la Pire Espèce, le Théâtre du Grand Jour, le Théâtre I.N.K. et Les Porteuses d’aromates. L’idée est de favoriser la mise en commun d’espaces et de ressources humaines tels les services de relations de presse ou de comptabilité. Quant au volet diffusion, La Centrale entend accorder le tiers de la saison aux compagnies fondatrices et le reste sera des appels de projets. "La programmation sera basée sur différents critères, explique Dubois, coordonnatrice artistique. Nous favoriserons la relève, mais également des oeuvres qui se démarquent par la singularité de leur démarche artistique ou des créations qui pourraient difficilement trouver preneur sur une des scènes du circuit existant." Cette scène alternative aiderait grandement à protéger la diversité de création. Tout le monde y gagnerait, à commencer par le public.