Yasmina Khadra : Motifs littéraires
Yasmina Khadra – ou Mohamed Moulessehoul, dont c’est le pseudonyme – figure parmi les invités d’honneur du Salon international du livre de Québec. Choisi en raison du caractère remarquable de son oeuvre, traduite en 14 langues dans 34 pays, cet auteur d’origine algérienne y sera de passage le 17 avril pour nous parler de son dernier livre, Les Sirènes de Bagdad. En attendant, il a généreusement accepté de se prêter à "L’interrogatoire".
Voir: Quelles sont vos obsessions?
Yasmina Khadra: "J’en ai plusieurs, mais celle qui me rattrape tous les jours reste la littérature. Écrire, toujours écrire en essayant de faire mieux que la fois précédente. Chaque fois que je finis un roman, je songe au suivant avec la peur au ventre. Ne pas faillir, ne pas décevoir mon lectorat. Il est très difficile pour un écrivain arabe de fidéliser son lectorat ou d’élargir son audience en Occident. Vous n’imaginez pas l’effort titanesque que je déploie pour convaincre. J’aime la langue française, et je m’escrime à lui donner les couleurs de mon Sahara et les émotions des poètes qui furent les miens et mes références. Je crois que ma grande obsession est d’écrire un grand roman."
Qu’est-ce qui vous distingue des autres?
"Hormis le style, pas grand-chose. Je me retrouve dans plusieurs oeuvres. Russes, européennes, asiatiques, africaines, là où le talent excelle, je me surprends à rêver. Tout écrivain n’est que le croisement des différentes lectures qui l’ont nourri."
Jugez-vous votre sort enviable?
"Aimeriez-vous vivre ma vie? Être soldat à neuf ans, ne jamais avoir eu d’enfance, naître adulte et passer votre existence à évoluer dans un monde aux antipodes de votre vocation? Si j’avais à choisir, je préférerais connaître une vie ordinaire, même sans grand succès. Mais j’ai eu la chance et le courage de vouloir rester moi-même et de réaliser mon rêve en dépit des avatars qui ont jalonné mon parcours d’homme. Il ne s’agit pas d’un sort, mais d’un combat condamné d’office, sauf que j’y croyais dur comme fer. Résultat: je suis très fier de ce que j’ai réussi à bâtir. Traduit dans 34 pays, c’est enviable. L’important est de le mériter. Gogol disait: "La gloire ne fait frémir que les âmes qui en sont dignes.""
Pourquoi vivez-vous là où vous vivez?
"Il faut bien vivre quelque part. En France, ça n’a pas été facile de surmonter les clichés et les hostilités. Cependant, toute vérité nous rattrape, et j’ai fini par prouver mon intégrité et ma probité intellectuelle. Tout est rentré dans l’ordre. Je suis désormais très à l’aise en France. J’y ai mon plus large lectorat."
Nommez trois artistes que vous aimez.
"Oum Kalsoum, le peintre algérien Denis Martinez et Mozart."
Que dirait votre épitaphe?
"Il a aimé comme un fou, maintenant il savoure le silence et la nudité."
Qu’est-ce qui vous fait peur?
"Exactement celui qui me fascine: l’Homme."
Qu’est-ce qui vous met en colère?
"La mauvaise foi et l’ingratitude."
Ou étiez-vous il y a 10 ans?
"En Algérie, dans les maquis infestés de terroristes, à chercher une lueur d’espoir dans le tumulte des haines et les champs de blé réduits à d’affligeants champs de bataille."
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire?
"Un baiser de ma femme et de mes enfants."
Même pour un million, je…?
"Je n’écrirais pas un livre facile."
Qu’aimeriez-vous oser faire?
"Je l’ai déjà fait: être écrivain au milieu des tanks."
Le 17 avril à 18h30
Au Salon International du livre de Québec
http://silq.org