Morgan Spurlock : Oussama pour les nuls
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Morgan Spurlock : Oussama pour les nuls

Dans Where in the World Is Osama bin Laden?, Morgan Spurlock se paye un voyage organisé dans les hauts lieux de la guerre au terrorisme. Suivez le guide.

Après s’être intéressé aux méfaits de la malbouffe dans Super Size Me, l’Américain Morgan Spurlock se penche sur la guerre au terrorisme menée par les États-Unis depuis les attentats du 11 septembre 2001. Posté au carrefour du divertissement juvénile et de la vulgarisation naïve, Where in the World Is Osama bin Laden? jette sur son sujet un éclairage pour le moins atypique. Le réalisateur a retracé avec nous son expérience de tournage.

Voir: Comment la réalisation de ce film a-t-elle modifié votre perception de la guerre menée par les États-Unis contre le terrorisme?

Morgan Spurlock: "Je répondrais à cette question en deux temps. D’abord, il y a la guerre contre le terrorisme qui est menée à l’intérieur du pays. Comme il n’y a pas eu d’attaque depuis les incidents du 11 septembre 2001, on peut dire que, de ce point de vue, le bilan est positif. Par contre, la guerre au terrorisme qui est livrée à l’extérieur du pays, elle, génère principalement du négatif. Cette guerre continue d’avoir, sur le plan des relations publiques, un effet désastreux sur la réputation des États-Unis. À l’étranger, le pays est perçu comme moins qu’admirable, moins que fiable. Dans le film, un témoignage recueilli dans la rue en Égypte résume bien l’affaire: "On en est venu à attendre moins des États-Unis." En tant qu’Américain, ça fait mal d’entendre de tels propos. Je crois toujours en ce pays qui repose sur certaines fondations propres à réaliser de grandes choses."

Plusieurs films, des fictions ainsi que des documentaires, se sont intéressés aux mêmes questions que Where in the World is Ossama bin Laden? ces dernières années. Qu’est-ce qui distingue votre long métrage?

"Nous avons tâché de résumer des questions difficiles en des termes plus simples afin de faire du film une espèce de bougie d’allumage pour un dialogue plus poussé. J’espère que les gens auront envie d’en apprendre davantage, de fouiller le sujet plus avant et d’en discuter. J’ai rencontré des gens qui n’avaient jamais vu un documentaire avant Super Size Me, des propriétaires de salle qui n’avaient jamais programmé un documentaire avant Super Size Me. J’espère que ce film-ci aura le même effet et qu’il saura atteindre un auditoire plus vaste."

Votre façon d’aborder le cinéma documentaire est assez singulière. Vous intégrez des images d’animation, une séquence inspirée d’un jeu vidéo, des saynètes humoristiques. Les puristes y trouveront sans doute à redire…

"Heureusement, je ne suis pas un puriste [rires]."

Quel rapport entretenez-vous avec le genre documentaire?

"J’adore les documentaires. Je dirais qu’ils sont extrêmement importants quand il s’agit d’aller au fond des choses et d’amener certains sujets sur la place publique. Cela dit, je trouve que les documentaires ont connu quelques difficultés en salle ces dernières années. J’espère que cette tendance se renversera. Les propriétaires de salle ont commencé à préférer aux documentaires des films plus payants. J’espère que l’argent ne finira pas par enterrer un cinéma que je qualifierais d’"important"."

Vous avez disposé d’une enveloppe budgétaire beaucoup plus substantielle que pour Super Size Me. Comment avez-vous investi votre capital?

"Nous avons voyagé dans une quinzaine de pays – huit ou neuf figurent dans le film. Nous avons embauché un compositeur pour écrire une musique originale – il a notamment pondu la chanson-titre. Nous avons travaillé avec quatre spécialistes de l’animation. En disposant de plus de moyens et de beaucoup plus de temps, nous avons pu en faire plus. Par ailleurs, le travail de postproduction a été particulièrement long. Nous avons mis quelque 15 mois à finaliser la chose."

Vous êtes revenus avec quelque 900 heures d’images, dont vous avez conservé 90 minutes. Quelle stratégie avez-vous adopté pour procéder au montage?

"Nous aurions pu réaliser quatre ou cinq films tout à fait différents. Les choix n’ont pas été faciles à faire. Pour y arriver, je me suis entouré d’une équipe très compétente, des hommes et des femmes capables de défendre leur point de vue et de remettre en question le mien."

Comment avez-vous établi votre itinéraire?

"Nous savions que nous allions terminer le film soit en Afghanistan, soit au Pakistan. Ensuite, nous avons dessiné notre route. Nous sommes allés à quelques endroits en Europe et nous sommes entretenus avec beaucoup de gens. Nous avons notamment rencontré Martin McGuiness, ex-numéro 2 de l’IRA, considéré comme un terroriste. Il y a beaucoup de choses qui n’apparaissent pas à l’écran. C’est pourquoi j’ai écrit un livre, qui sortira au même moment que le film."

Qu’est-ce qui vous a le plus étonné au cours de votre long périple?

"Ma plus grande surprise est venue des rencontres que j’ai faites. Aux États-Unis, on nous renvoie toujours une image unique de ce qu’est l’islam et de ce à quoi ressemblent les musulmans. Cette image renvoie systématiquement à des voix exaltées, qui crient: "Mort à l’Amérique." C’est ce que les médias nous montrent et nous donnent à entendre. Or, sur le terrain, j’ai rencontré des gens extrêmement éloquents et extrêmement perspicaces. Monsieur et Madame Tout-le-monde ont leur opinion sur ce qui se passe autour d’eux. En allant à leur rencontre, j’ai pu ramener le film à un niveau très humain. J’ai voulu aller au-delà du témoignage en format capsule éclair qu’on nous sert d’ordinaire."

En salle le 16 mai