Mario Gagnon : Mon côté de la médaille
Une opinion. Exprimée sans demi-mesure, sans contrepoids. Un seul côté de la médaille, quoi. Vous êtes d’accord ou pas? Réagissez.
PRISON OU LOCAL D’INJECTION?
À Québec, ils sont entre 3000 et 5000 usagers de drogues dures. Beaucoup plus à Montréal. Pour corriger la situation, devrait-on encourager la création de piqueries supervisées? La distribution de seringues d’injection propres? Ou mettre un terme à ces mesures et envoyer les consommateurs en prison?
"La prison… Ce modèle-là est appliqué depuis 30 ans au Québec et aux États-Unis. Sur le plan de la lutte à la toxicomanie, ça n’a donné aucun résultat. Il y a toujours des consommateurs de drogue. Il y a toujours de la drogue. En fait, il y en a autant. Ça ne change rien", indique Mario Gagnon, directeur général chez Point de repères, un des 11 organismes qui ont formé une coalition afin de signaler au gouvernement québécois l’urgence d’agir dans ce dossier. "C’est important de se rappeler que ces gens-là font partie de la communauté. Que se passerait-il si quelqu’un de votre famille était dépendant des drogues et que vous ameniez que la solution, c’est la prison?"
L’an dernier, 350 000 seringues ont été distribuées à Québec par Point de repères. Actuellement, une soixantaine de personnes sont suivies activement en réadaptation par l’organisme. Des initiatives appuyées, ici comme ailleurs, autant par des médecins que par l’Organisation mondiale de la santé. Un avantage de ces mesures? La prise de contact. Être là. Et surtout, être là quand ça compte. Comme au moment où l’usager décide de faire le saut vers la désintoxication. "Si une personne décide d’arrêter de consommer, notre expérience nous dit qu’il faut être là, et cela, dès qu’elle en manifeste le désir", précise M. Gagnon.
UN LOURD IMPACT
La situation relève également de la santé publique, selon Mario Gagnon. Le VIH touche 10 à 12 % des usagers qui fréquentent l’organisme. Et entre 60 et 65 % sont atteints de l’hépatite C. À cela, il faut ajouter d’autres problèmes de santé: abcès aux bras, blessures à la peau, phlébite… Bref, du travail pour les médecins et les infirmières qui oeuvrent auprès d’organismes comme Point de repères. Et il vaut mieux prévenir que guérir: ce contact régulier permet d’éviter l’aggravation de ces maux, et donc le coût social représenté par l’utilisation – prolongée – des services d’urgence. "Le coût d’un traitement peut aller de 20 000 $ à 30 000 $ par personne. D’ici 2012 ou 2015, ils seront nombreux à avoir besoin, par exemple, d’une greffe de foie. Ça aura un impact sur le système de santé!"
Qui sont-ils, ces usagers? Moyenne d’âge: 35 ans. Mais ils peuvent avoir autant 18 ans que 55 ans… Et ceux qui sont porteurs du VIH ou de l’hépatite ne consomment pas toujours depuis longtemps. Quelques fois suffisent. "C’est à la mode de s’injecter, parfois une ou deux fois, pour l’expérience. Mais ils risquent tout de même l’infection. Un jeune nous est arrivé avec l’hépatite C récemment. Sa seringue était propre, mais il avait partagé la cuillère de quelqu’un…" Face à tout cela, il s’agit, selon Mario Gagnon, de se donner la possibilité d’avoir un impact sur la situation: "Même l’ouverture d’un local, c’est simplement un moyen supplémentaire. Ce n’est pas une fin en soi."