10 ans de l’Action terroriste socialement acceptable (ATSA) : Ensemble, c’est tout
Annie Roy et Pierre Allard fêtent les 10 ans de l’Action terroriste socialement acceptable (ATSA), le temps d’une pause commerciale et d’un livre hommage.
Les mêmes. Dix ans après la première édition d’État d’urgence, Annie Roy et Pierre Allard sont encore intarissables quand vient le temps de parler de leur bébé. Trop de projets, d’explications à donner, pas assez de temps. L’Action terroriste socialement acceptable fête sa première décennie et l’épanouissement d’un mode de communication hybride, à mi-chemin entre l’action politique et la démarche artistique. Dix ans et chez les Allard-Roy, on s’engueule encore, "tout le temps", amoureusement.
Rencontre. Annie et Pierre se sont trouvés par amis interposés, une blind date entre une danseuse et un cinéaste qui s’est terminée en intervention sur la place publique. L’opération "La banque à bas", un distributeur de bas chauds pour les sans-abri, était lancée devant le Musée d’art contemporain. Un an plus tard, le couple érigeait un camp de réfugiés en plein centre-ville. État d’urgence était né, fruit d’une collaboration avec l’armée canadienne. Depuis, l’armée s’est retirée, "pas franchement à l’aise avec le mot terroriste", mais le camp a pris ses quartiers sur la place Émilie-Gamelin et l’ATSA a multiplié les types d’interventions: attentats à la voiture piégée, incendies, parcours historiques. Toujours symboliques, jamais gratuits.
Pas fatigués, Annie et Pierre ont investi, projet après projet, toutes sortes de domaines d’action: environnement, justice sociale, patrimoine historique. "C’est chaque fois un nouveau territoire qu’on explore", dit Annie. À nouveau territoire, nouvelle vie. Le quotidien du couple est devenu champ d’expérimentation. "Nous avons mis en application les principes que nous avons soulevés dans nos interventions", explique Pierre. Passer de la prise de conscience à la mise en pratique, voilà le propos du livre hommage édité pour l’occasion, et intitulé justement ATSA: Quand l’Art passe à l’Action: "Le plus important, c’est l’appropriation, Nous créons une onde de choc, mais après ça, ce n’est plus de notre ressort." Des passeurs, Annie et Pierre, parfois un peu dépassés par l’ampleur prise par certains projets, comme la campagne de compagnonnage citoyen lancée en 2004, de l’aveu d’Annie "pas facile à gérer".
Mais peu importe, le couple croit dur comme fer à l’utilité de sa démarche. "On bouleverse des vies", dit Pierre. Et des habitudes: l’opération d’étiquetage citoyen sur les VUS a donné lieu à une grande campagne de sensibilisation dans les écoles "et à la mise en application par la Ville des amendes pour les arrêts trop longs", ajoute-t-il. Et tant pis s’il a fallu payer de leur personne: "À l’heure du dîner, on sonnait chez nous alors que nous étions avec les enfants, et des propriétaires de VUS venaient nous engueuler à cause des contraventions. Il fallait prendre le temps de parler, de s’expliquer calmement." La confusion entre vie privée et action publique n’est pas toujours facile à porter, mais le couple "assume".
Autre "effet collatéral du propos", Annie et Pierre font figure de bêtes curieuses dans les milieux artistique et militant. L’ATSA, de l’art ou du cochon? "La plupart du temps, nos oeuvres sont à caractère événementiel, dit Annie. Ça ne donne pas le temps de produire une critique." N’empêche. Les deux revendiquent des articles dans des revues spécialisées en art contemporain. "La cause va générer l’oeuvre mais il s’agit d’abord pour nous du plaisir de créer", explique Annie. Quant à l’absence du terme "art" dans le sigle ATSA: "L’art est une action terroriste socialement acceptable en soi, donc ATSA, c’est la définition de l’art par essence."
Le sigle est aussi devenu marque de commerce. "Tout est marketing. Ça fait partie de notre démarche artistique". Parfaitement à l’aise avec le langage de la pub, Annie et Pierre comptent bien créer un buzz avec le lancement du livre et l’ouverture, le 2 octobre, du magasin Change, angle Marie-Anne et Saint-Laurent. Campagne d’affichage sur les abribus, sur des cyclistes, "l’objectif, c’est de vendre". Alors on va vendre, des oeuvres et des produits dérivés, porte-clés, t-shirts, sacs, presse-papiers, mouchoirs, mais pas seulement: "Change, c’est un outil de financement mais aussi une marque de confiance." Campagne médiatique, aussi: "On porte plusieurs chapeaux, dit Annie. C’est exigeant sur la personne, et je n’aurais pas autant de courage si je n’avais pas mon homme derrière moi. Je suis ensemble."
Magasin Change
4351, boulevard Saint-Laurent
Dès le 2 octobre
www.atsa.qc.ca