La pub : Vers une pub responsable?
Société

La pub : Vers une pub responsable?

Crise financière oblige, la pub s’acoquine avec les valeurs du développement durable et commence même à parler consommation responsable, quitte à s’empêtrer dans ses contradictions. Consommez mieux, mais consommez autant…

Deux adolescents échangent de timides baisers sur les sièges avant d’une voiture. Soir après soir, la même scène se répète. On les imagine sur un promontoire romantique. Pas du tout. La voiture est sagement garée dans le parking de la maison parentale. Le slogan: "Quand on a une Toyota, on l’utilise seulement quand on en a besoin." Le spot télé, signé Bleu Blanc Rouge, une agence de publicité montréalaise, réussit l’exploit de vanter les mérites d’une utilisation modérée de l’automobile tout en imposant la marque de son fabricant. Vous avez dit paradoxe?

Les publicitaires avaient déjà saisi l’importance de la vague verte. Ils s’attaquent maintenant à son corollaire: la consommation responsable, quitte à ce que le discours prenne le pas sur le produit. Tandis qu’au Québec, les marques cherchent à qui mieux mieux à être identifiées aux vertus du développement durable, aux États-Unis, dans la dernière campagne de MTV, on urine joyeusement dans les platebandes publiques sous le mot d’ordre: "économisez l’eau".

Allant même plus loin, l’industrie de la publicité va jusqu’à endosser ces valeurs sur le plan international. Le mois dernier, 20 grandes agences mondiales ont signé une entente avec l’ONU dans le but de promouvoir ses actions de sensibilisation aux changements climatiques. "Le monde de la publicité peut apporter une contribution significative en aidant les consommateurs à changer leurs habitudes, en influant sur les politiques et en aidant les Nations Unies à progresser sur cette question", a déclaré à cette occasion Michael Lee, directeur exécutif de l’Association internationale de publicité.

"Que la pub flirte avec la politique, ça n’a rien de nouveau", explique Patrick Beaudoin, vice-président, création convergente chez Cossette. "En 1984, lorsque Apple s’est lancée en campagne, la marque s’est positionnée grâce à un discours politique: l’ordinateur ne devait pas être réservé aux comptables et aux ingénieurs, mais être accessible à tout le monde. Notre métier, c’est d’être en phase avec les enjeux de notre société, ajoute-t-il. Les arguments de durabilité, d’efficacité et, à long terme, la notion de respect de l’environnement vont être de plus en plus présents dans les campagnes. La crise financière actuelle et le problème de la surconsommation auront eux aussi certainement un impact." La dernière campagne réalisée par l’agence pour les épiceries Métro donne le ton en s’appuyant sur le slogan "C’est bien meilleur à la maison". "Les gens font plus attention à leurs dépenses, note le publicitaire. La campagne y fait référence de manière subtile."

La subtilité. C’est ce dont vont devoir faire preuve les publicitaires s’ils ne veulent pas se tirer une balle dans le pied, reconnaît Christophe Mayen, vice-président à la clientèle chez Bos. Il y a quelques mois, dans un spot signé par l’agence pour le compte de Honda, Martin Matte adressait aux téléspectateurs un message de tempérance: la distance qui vous sépare du dépanneur n’est pas aussi longue qu’elle en a l’air dans le rétroviseur. Autrement dit: le trajet, vous pouvez aussi le faire à pied. "C’est vrai qu’on atteint une limite. S’attaquer à la surconsommation, ce n’est pas a priori une bonne nouvelle pour les annonceurs. Le client tient à ce que le consommateur utilise le plus possible sa voiture, qu’il l’use, et qu’il en rachète une autre. Mais en même temps, il ne faut pas négliger le capital de marque. Être audacieux, c’est se démarquer en allant à l’encontre de ce qu’on a l’habitude de voir, et aux dernières nouvelles, les ventes de notre client se portent très bien."

La tendance est donc à la responsabilisation du consommateur, avec les contradictions que ça comporte, souligne Mickaël Carlier, fondateur du site Internet Novae, portant sur le développement durable: "Aujourd’hui, les publicitaires sont capables de nous vendre des Hummer ou des iPod. J’attends qu’ils soient capables de nous vendre des choses utiles, que, grâce à eux, acheter équitable devienne un acte branché. La campagne Toyota préfigure ça. La stratégie de communication mise sur le comportement du consommateur. C’est fort." Fort, mais encore timide. "L’objectif à court terme, c’est de vendre, reconnaît Christophe Mayen. Aller jusqu’au bout du concept de publicité responsable, ce serait inciter les gens à faire réparer leur voiture."

DE LA PUB, EN VEUX-TU, EN V’LÀ

Les accros de la pub peuvent se réjouir: les publicités télé récompensées lors des prestigieux Lions de Cannes 2008 seront projetées au Cinéma du Parc du 14 au 28 novembre, à l’initiative de l’Association des professionnels de la communication et du marketing (APCM). Le programme, d’une durée d’une heure et demie, rassemble un éventail cosmopolite de spots internationaux, des plus absurdes aux plus graves, parmi lesquels une pièce d’anthologie signée Martin Scorsese, en hommage à Alfred Hitchcock. Rires et frissons garantis. Billets en vente sur place. www.mordusdepub.com