Serge Bilé: le racisme au Vatican : Le Vatican est-il raciste?
Le journaliste martiniquais Serge Bilé signe une enquête sur le racisme au Vatican d’aujourd’hui.
Voir: Comment l’idée de ce livre vous est-elle venue?
Serge Bilé: "En 2005, je suis allé à Turin pour une conférence. J’ai rencontré Audifac Ignace (coauteur de ce livre) là-bas. Je voulais faire un livre sur les premiers papes africains au 1er siècle. Il travaillait sur un projet similaire. Il m’a emmené chez une vieille femme italienne qui nous a donné un télégramme contenant une requête de Pie XII au commandement des forces alliées demandant que les soldats noirs ne rentrent pas à Rome. Nous voulions savoir si, aujourd’hui, le racisme existait encore au Vatican. Nous avons été surpris de découvrir ce que vivent au quotidien les Africains du Vatican."
Vous citez des cas très précis de prêtres noirs qui se sont fait agresser.
"Je cite le cas du Nigérien John Okoro Egbulefu qui a été poignardé. C’était pourtant un proche de Benoît XVI. En 1988, le secrétaire particulier de Jean-Paul II, Emery Kabongo, a aussi été attaqué. C’est quelque chose qui se passe de manière fréquente. Par comparaison, peu de prêtres européens se font agresser. Mais il y a une véritable omerta autour de ces dossiers."
Certains prêtres africains, faute d’aide logistique de la part du Vatican, se retrouvent sans papiers en sol italien, donc sans moyens de subsistance.
"Les Noirs au Vatican ont le sentiment qu’ils ne sont pas en odeur de sainteté. Ils ont l’impression de ne pas être les bienvenus. Les prêtres sans-papiers ne comprennent pas le silence du Vatican. Ils ne demandent qu’à être autorisés à dire de nouveau la messe, surtout qu’il y a un besoin croissant de prêtres. Malgré cela, on préfère se passer d’eux."
Pire encore, vous avez découvert que certaines soeurs africaines immigrées à Rome tombaient dans la prostitution!
"Je n’étais pas certain qu’on me croirait. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai apporté une caméra lorsque j’ai interrogé ces religieuses qui m’ont expliqué comment elles étaient tombées dans la prostitution. Il y a un manque de bras dans les couvents italiens. On fait donc venir ces jeunes femmes qui sont corvéables à merci. Elles travaillent de 6 h à 20 h, ne sont pas rémunérées, sont victimes de racisme. Souvent, ce sont des jeunes femmes qui partent au couvent en quête d’une meilleure qualité de vie. Leur vocation n’est pas solide. Les soeurs auxquelles j’ai parlé ont cédé aux avances de prêtres et même d’un évêque en quête de services sexuels. Quand elles attrapent le sida, on les renvoie en Afrique sans soutien matériel ou moral, comme une mauvaise marchandise dont on ne veut plus."
Benoît XVI est-il à l’écoute des Noirs?
"Dans tous les témoignages que j’ai récoltés auprès des membres africains du clergé, ceux-ci manifestaient une grande admiration pour Jean-Paul II. Mais Benoît XVI n’a fait son premier voyage en Afrique qu’après quatre ans de règne. Il a une conception conservatrice, intégriste même du christianisme. Il veut canoniser Pie XII. Il réintègre des prêtres intégristes qui s’opposent au concile Vatican II, qui a pourtant réglé le problème de la vision des juifs comme déicides et des Noirs comme maudits. Accepter ces prêtres intégristes dans l’Église, c’est accepter un regard ancien sur les Noirs."
Et si Dieu n’aimait pas les Noirs?
de Serge Bilé et Audifac Ignace
Éd. Pascal Galodé, 120 p.
www.sergebile.com
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