Zoé Valdés : La dynastie Castro
Dans La Fiction Fidel, l’auteure cubaine en exil Zoé Valdés signe, sous la forme d’un essai romancé, une analyse historique et très personnelle du régime castriste.
Voir: Pourquoi ce livre maintenant?
Zoé Valdés: "Cela fait très longtemps que je travaille sur le sujet. J’ai fait une série d’articles dans le journal espagnol El Mundo. C’est ce qui m’a poussée à faire des recherches sur la révolution, et surtout sur la vraie situation de Cuba avant la révolution castriste. Au départ, je me suis mise dans la peau d’une historienne, alors que je n’en suis pas une. Alors finalement, je me suis repliée sur ma vision de romancière et j’ai donc décidé d’écrire un témoignage en tant qu’être humain et qu’être cubain."
Castro se cache dans plusieurs de vos romans. C’est le proxénète XXL dans La Douleur du dollar. Après l’avoir décrit de manière détournée, pourquoi s’attaquer à lui de plein fouet maintenant?
"Heureusement, Castro n’est pas dans tous les romans que j’écris. Il y en a beaucoup qui parlent d’amour, d’amitié, de solitude, de mort, pas seulement de Castro. Mais je savais qu’il y avait une époque qui s’achevait. Je savais que le 50e anniversaire de la révolution était proche et je pensais qu’avec les problèmes de santé de Castro, la fin était imminente. Là, je me suis trompée. Personnellement, ce livre m’a aidée à fermer ce chapitre de ma vie. Je viens d’avoir 50 ans et je voulais quitter ce sujet, cette obsession."
Vous avez rencontré Fidel à plusieurs reprises; le portrait que vous faites de lui est saisissant.
"Castro est un personnage qui vous écrase. Lorsqu’il était en santé, il était grand, costaud dans son uniforme. Il vous regarde fixement. Il parle beaucoup, avec une voix cassée, et vous touche tout le temps de son doigt. Il pose énormément de questions et ne s’arrête pas pour entendre les réponses. C’est un séducteur qui hypnotise les gens. Son frère, Raul, est quelqu’un de plus léger. En privé, il est sympathique et blagueur. Mais en public, il est rigide, froid, dur."
On attribue à Fidel certaines réussites en termes de médecine et d’éducation. Mais vous dites qu’en fait, il a hérité d’infrastructures créées par Batista, le dictateur qu’il a renversé.
"En effet, il a hérité d’une médecine publique qui était déjà efficace. Quant à l’éducation, Batista avait déjà fait beaucoup d’avancées dans les années 40. Avant l’arrivée de Castro, le taux d’alphabétisation n’était que de 24 %, l’un des plus bas en Amérique latine. La campagne d’alphabétisation de Castro était politique. C’était une manière pour lui de faire passer son message auprès des populations rurales. Les livres d’école sont des outils de propagande à Cuba."
Selon vous, à quoi aurait ressemblé Cuba, si Castro n’avait pas pris le pouvoir?
"Je pense que le développement aurait été mieux réussi qu’au Mexique. Batista a été un bon président dans les années 40. Il avait donné à Cuba une bonne constitution, fondée sur des valeurs démocratiques. Oui, Batista a accaparé le pouvoir à la fin des années 50. Mais en 58, il voulait des élections libres. Castro a était un opportuniste et a eu mainmise sur le pays. Et puis, n’oublions pas que les premiers terroristes étaient castristes. Enfin, Castro est raciste. La plupart des prisonniers politiques sont des noirs."
Comment voyez-vous l’après-Castro?
"Ce qui est terrible, c’est qu’un système de succession dynastique a été mis en place. Aujourd’hui, Raul Castro, le frère de Fidel, dirige le pays. Mais la prochaine génération se prépare et est de plus en plus visible. La fille de Raul Castro et Aleida Guevara, la fille du Che, donnent de plus en plus d’entrevues. On les prépare à marcher dans les pas de leurs pères. Ce sont des gens extrémistes qui tiennent un discours benladenesque. Comme pour Ben Laden, ce sont des gens qui ont grandi en Occident, mais qui s’attachent à une idéologie violente et obtuse. Cette génération castriste montante veut changer le monde mais avec rage."
Pensez vous qu’Obama devrait lever l’embargo?
"On ne peut pas exiger d’un président américain de résoudre notre problème. La seule solution est que Raul Castro fasse un geste devant le peuple cubain. Qu’il ait la volonté de passer dans l’histoire comme celui qui a fait un pas vers la démocratie. Mais ça, c’est un rêve."
La Fiction Fidel
Zoé Valdés
Éd. Gallimard, 2009, 374 pages