Dieudonné : Exil politique
Défait aux européennes sous une bannière antisioniste ralliant chiites radicaux et fascistes de tous poils, Dieudonné, interdit de scène en France, fait salle comble au Québec en parlant d’amour. On n’a plus envie de rire.
Décembre 2008. Devant un Zénith (la plus grande salle parisienne) bondé et sous l’oeil réjoui du leader de l’extrême droite française Jean-Marie Le Pen, Dieudonné grime un technicien de plateau en juif déporté, étoile jaune plaquée sur le thorax, et l’envoie remettre, sur scène, la médaille de "l’infréquentabilité" au tristement célèbre révisionniste Robert Faurisson. L’écoeurement est à la mesure de la provocation. Les Français riaient jaune, ils ne rient plus. Dieudonné est interdit de salle, en province puis à Paris, où la classe politique, à l’exception de l’extrême droite, condamne sans appel la dernière bravade de l’humoriste.
Infréquentable, c’est ce qu’est devenu le chouchou des Français dans les années 1990, résultat d’un long dérapage in(?)contrôlé qui l’a vu passer en quelques années de comique brillant plutôt "gogauche" à chantre de la haine antijuive et de la démagogie populiste. Un lent glissement verbal teinté de paranoïa (le lobby juif contrôle tout, soutenu par les médias) qui a naturellement conduit l’artiste à déplacer son discours de la scène artistique à la tribune politique. Candidat lors des dernières élections européennes sous une bannière antisioniste, il s’est entouré de colistiers tels que Yahia Gouasmi, chiite radical, Michael Guérin, qui se définit comme un nationaliste révolutionnaire, courant de l’extrême droite radicale, ou encore Alain Soral, polémiste et fondateur d’Égalité et Réconciliation, association néonationaliste.
L’INDUSTRIE QUÉBÉCOISE FAIT L’AUTRUCHE
Une suite logique pour celui qui, paradoxalement, a longtemps joué sur la notion de liberté artistique: "Dieudonné ne peut pas se protéger derrière son imputabilité artistique, note Jean-Philippe Uzel, spécialiste des rapports entre politique et art contemporain. Ses spectacles n’en sont pas. Ce sont des meetings politiques." Il ajoute: "Si on se réfère aux oeuvres d’art contemporain les plus radicales qui ont récemment traité du sujet du nazisme ou de l’holocauste, comme celle de Mauricio Catalan, qui a fait scandale, on en arrive quand même à ce constat: ces artistes, aussi provocateurs soient-ils, ne laissent pas percevoir clairement leurs opinions politiques. On reste donc dans le domaine de l’art. Ce n’est pas le cas de Dieudonné, qui affiche ses positions sans la moindre subtilité."
Subtil. C’est des relations de couple que l’humoriste a choisi de parler dans le spectacle qu’il présente dès cette semaine au Théâtre Corona de Montréal. Un thème judicieusement inoffensif et un discours policé devant les médias québécois: Dieudonné le comique veut faire oublier Dieudonné le politicien, et surfe sur un capital de sympathie curieusement peu entamé au Québec depuis le début de l’affaire, il y a maintenant neuf ans. Et ça marche. À peine si Gilbert Rozon prend ses distances avec l’humoriste, qualifiant simplement d’"emmerdants" ses discours pour justifier son absence du Festival Juste pour rire. Tandis que les humoristes français le fustigent (voir l’opinion de Patrick Timsit en encadré), dans l’industrie québécoise, on fait l’autruche. "Que la caravane passe", nous lance Christian Vanasse, des Zapartistes, visiblement fatigué de commenter le sujet.
RÉFÉRENCES À PÉTAIN ET NÉGATIONNISTES NOTOIRES
"Les Québécois sont plus tolérants, lance Robert Aird, historien de l’humour au Québec, en guise d’explication, et Dieudonné a bénéficié du sceau de crédibilité du Festival Juste pour rire." S’il note que le sujet a déjà fait débat au sein de l’École nationale de l’humour, l’historien reconnaît que les avis étaient partagés et que l’on tendait à vouloir relativiser la teneur des propos de l’humoriste: "Au départ, on lui a laissé le bénéfice du doute. Ses propos étaient plus antisionistes qu’antisémites."
Or, si ambiguïté il y a eu, elle n’existe plus. Lors d’un meeting parisien organisé le 1er juin au Théâtre de la Main d’or, racheté par l’humoriste à la fin des années 90, les colistiers de Dieudonné affichaient clairement leurs couleurs: références à Pétain et à François Duprat, figure fasciste des années 1970 et négationniste notoire, affirmation du soutien du Hamas et du Hezbollah, références incessantes au "lobby juif sioniste". Même les propos virulents du terroriste Carlos, qui intervenait depuis sa prison pour dénoncer "cette bande de gitans et de juifs protégés par l’anti-France", furent acclamés par la salle surchauffée. Horreur.
Alors pourquoi autant de tiédeur du côté de l’"intelligentsia" et du public québécois? "La sensibilité quant à la question juive est différente en France et au Québec, relève Jean-Philippe Uzel. Lorsque le premier ministre Bouchard avait mis à l’index Yves Michaud, ça avait déclenché tout un débat de société, on semblait penser que la réaction de l’Assemblée nationale était disproportionnée par rapport à ses propos. Or, ils étaient clairement antisémites." Et le chercheur va même plus loin, évoquant une société "fondamentalement catholique, avec un fond antisémite lié à la question de la langue et de l’argent".
LE POINT DE VUE DE PATRICK TIMSIT
"J’aime piquer, titiller les sensibilités. Tant qu’on est dans la fiction, ça va. Mais quand vous donnez une scène à quelqu’un de dangereux, on n’est plus du tout dans le spectacle. C’est exactement ce que fait Dieudonné. Ce n’est pas un sentiment que j’ai, c’est la réalité, il faut entendre ce qui est dit, clairement. (…) Je pense qu’ici, on croit toujours à la thèse de la provocation. En France, à cause des actes qui ont été commis, on a cessé d’y croire. C’est concret quand vous prêtez votre théâtre chaque semaine à l’extrême droite, quand le parrain de votre enfant est le leader de l’extrême droite et que vous prenez dans vos bras un négationniste, quelqu’un qui dit que les chambres à gaz n’ont jamais existé. Dieudonné est maintenant le même en spectacle que dans ses déclarations publiques. C’est ça qui est triste. Sur scène, ça a longtemps été formidable – il m’a déjà fait pleurer de rire -, mais là on est dans le meeting, on n’est plus dans le show. Dieudonné a tué un grand comique, c’est son premier crime. J’espère que le plus grand de ses crimes ne reste pas à venir." Patrick Timsit sera en spectacle au TNM les 17 et 18 juillet. (C. Saint-Pierre)
Je viens de faire le tour de quelques vieux papiers écrits dans Voir et ailleurs au fil des années à propos de M. M’Bala… Récemment, j’ai lu les articles de Cassivi, d’Anabelle Nicoud dans la Presse, et maintenant celui-ci d’Aurore Lehmann et j’y vois une saine évolution.
Après l’angélisme et la cécité volontaire, il semblerait qu’enfin cet ex-humoriste soit démasqué également au Québec pour ce qu’il est : un politicien fasciste, sans doute très malade dans sa tête, qui fait de la scène l’avant-salle de son fond de commerce nauséabond.
Après Martineau qui a fini plus rapidement que d’autres par voir Dieudonné pour ce qu’il était, reste à savoir si notre cher Steve Proulx va continuer à le considérer comme un chantre de l’anti-rectitude politique!
Que Falardeau et tant d’autres ne se donnent pas la peine de s’informer de ses activités politiques populistes et extrême-droitières ou de ses fréquentations plus que puantes, c’est leur problème.
Si certains sont à l’aise avec un type qui couche avec Soral, des rabbins ultra-orthodoxes (même si anti-israéliens), le Pen, les Noirs racistes du Parti Kemite, les «crypto-négationnistes» Ginette Skandrani et Maria Poumier, ça les regarde. S’ils trouvent rigolo de déguiser un type en déporté de camp d’extermination pour lui faire remettre un trophée à l’ignoble Faurisson, c’est sans doute que leur sens de l’humour a atteint un point de non-retour sans passer par la case «horreur».
Ce que je note au passage dans les arguments invoquant la liberté d’expression pour ce défendeur d’Ahmadinedjad et des mollahs iraniens enfoulardeurs de femmes et tueurs d’homosexuels, ce partisan du Hamas et du Hezbollah à la Charia liberticide, c’est que ses tenants s’offusquent que l’on puisse dénoncer Dieudonné pour ce qu’il est.
Lui pourrait accuser ouvertement ou à mots couverts les Juifs d’être sans doute les inventeurs du VIH-Sida, d’avoir fait des fortunes dans la traite négrière, de l’empêcher de faire son film, de contrôler la France, l’Europe et demain le monde, mais ce serait un crime de lèse-artiste que de dénoncer ses propos, ses fréquentations et ses appels à peine voilés au lynchage antisémite.
Le fait que tous ceux qui le défendaient (à très juste titre) après LE sketch de 2003 l’aient lâché les uns après les autres (…même Rozon maintenant!) devrait tout de même sonner une cloche!
Les Ruquier, Bedos, Debouzze, Ardisson, Calixte Belaya, le N’Obs, le Canard Enchaîné, Charlie-Hebdo, ses anciens potes d’Euro-Palestine… ne sont quand même pas tous des abrutis, «des chiens qui aboient», des ennemis de la liberté d’expression et des vendus aux sionistes-juifs-francs-maçons-blancs racistes…Non?
Timsit en l’accusant d’avoir assassiné un grand comique a bien raison. Difficile de ne pas être triste de voir un ex-artiste de son calibre faire un immense salut nazi par ses propos publics et donner allègrement la main à la bête immonde.
Alors?
Hier le Corona était plein… parce que tout ce monde-là est facho, tolérant, ignorant, sourd? Tous ces artistes, ces quidams, Falardeau… et tous les autres «progressistes» qui avez payé vos billets et posé vos fesses dans ce parterre, n’avez-vous vraiment pas senti — à aucun moment du spectacle ou se dégageant d’un de vos voisins — cette odeur de haine qui planait?
Jean-Philippe Uzel, « spécialiste » des rapports entre politique et art contemporain, aurait intérêt à vérifier ses infos et à approfondir davantage ses sujets et connaissances avant de parler ou de prendre la plume. Ça lui éviterait des dires des faussetés et de salir des réputations.
J-P U affirme « le premier ministre Lucien Bouchard (Parti Québécois, PQ) avait mis à l’index Yves Michaud, ça avait déclenché tout un débat de société, on semblait penser que la réaction de l’Assemblée nationale était disproportionnée par rapport à ses propos. Or, ceux-ci étaient CLAIREMENT ANTISÉMITES. »
Lisez sur http://www.vigile.net/Qui-a-peur-de-Yves-Michaud-1
le discours complet de M.Michaud (14 décembre 2000) et ses réponses aux questions des membres des États généraux sur la langue. Paroles qui ont amené l’Assemblée nationale à blâmer publiquement un citoyen, M.Michaud (éminent brasseur de cages). Une première dans l’histoire parlementaire au Québec, sinon en Amérique du Nord. De ses propos, vous ne remarquerez aucun commentaire regrettable contre les juifs ou une autre minorité du Québec. En fait, M.Michaud n’avait exprimé que de bons mots à l’endroit des Juifs. À l’invitation du gouvernement, il avait livré un vibrant plaidoyer en faveur de notre belle langue. Chapeau bas. Le blâme adressé par l’Assemblée nationale contre M.Michaud fut une bourde abjecte, une colossale erreur reconnue par les députés du PQ plusieurs années après. Et la très grande majorité d’entre eux se sont excusés auprès de M.Michaud.