Rencontre internationale sur le conte : Rencontre de raconteurs
Société

Rencontre internationale sur le conte : Rencontre de raconteurs

Micheline Lanctôt, grande marraine d’une Rencontre internationale sur le conte qui s’amène à Sherbrooke, nous entretient du besoin de conter des Québécois afin qu’ils affrontent leurs peurs.

L’association surprend. Micheline Lanctôt étant connue pour son travail de cinéaste et de comédienne, il peut paraître inusité de la retrouver en tant que marraine de la Rencontre internationale sur la place du conte dans le patrimoine immatériel. Or, il s’avère que cette femme d’images a toujours été fascinée par le conte; elle jubile de pouvoir discuter de cette passion qui l’habite. "Je suis ravie qu’on ait pensé à moi. Comme j’ai beaucoup réfléchi sur le conte, ça ne pouvait pas mieux tomber. J’ai toujours été une lectrice de contes. Ça m’a beaucoup marquée."

Malgré cet attachement viscéral pour la tradition orale, Micheline Lanctôt ne se considère pas conteuse. "Les conteurs sont des artistes qui ont une spécificité bien à eux. Pour être conteur, je crois qu’il faut être profondément rattaché à l’historique des contes. Il y a une filiation dans laquelle je ne m’inscris pas. Honnêtement, je préfère me faire raconter des histoires…" C’est tout de même en faisant la lecture à ses enfants qu’il y eut certains déclics. "Quand je leur lisais les contes de Grimm, une partie de mon cerveau trouvait ça farfelu – je n’avais aucune raison de croire à cette histoire – et une autre partie marchait à la planche. Chaque fois que je les lis, ça me fait de quoi. Je ne sais pas comment ça m’atteint, mais ça m’atteint. Ça m’interpelle." Elle venait de découvrir un terreau riche de questionnements… et d’imaginaires.

L’IMAGERIE DU CONTE

Le conte, c’est une recherche d’images. Voilà pourquoi le cinéma a beaucoup à apprendre du conte; il donne aux spectateurs une inégalable liberté. "Ce qu’on ne dit pas au cinéma est tout aussi important que ce qu’on dit, ce qu’on ne montre pas est tout aussi important que ce qu’on montre… C’est un peu l’effet de la parole sur le public dans un spectacle de contes; les spectateurs doivent se faire leur imagerie à partir de la parole", explique Micheline Lanctôt.

Elle poursuit: "Dans mon travail, j’ai tenté de me servir du conte pour élargir les structures du cinéma. Je suis tannée des histoires au cinéma qui sont toujours racontées de la même façon. Tous les grands films que j’aime ont quelque chose des contes, sur le plan de la forme, du contenu, de la façon dont ils me touchent…" Quand le cinéma peut puiser dans les grands mythes anciens, c’est souvent extraordinaire.

HÉRITAGE DE PEURS

Le conte occupe une place importante dans la culture populaire québécoise, et ce depuis fort longtemps. "On est issus d’une tradition orale extrêmement riche. Il y a l’amérindienne qui est d’une pure oralité. Il y a aussi les vieux contes français qui nous sont venus par les premiers colons. Les contes britanniques et irlandais s’ajoutent à cela. On a été façonnés par cette tradition; on ne peut pas y échapper", prévient Micheline Lanctôt.

Pour elle, le conte a toujours servi un besoin essentiel de l’homme, soit celui d’affronter ses peurs. "Très tôt, il y a eu des contes locaux. Les gens ont eu à faire face à des choses qui les terrifiaient. Qu’est-ce qu’on fait dans ce temps-là? On se raconte des histoires. Probablement que l’essence de qui on est comme Québécois est issue de ce besoin-là, un besoin de conte face à nos angoisses." Que ce soit la peur du noir, celle de mourir de froid l’hiver ou de perdre ses enfants dans la forêt: toutes nos terreurs trouvent écho dans le conte. "La peur peut être anodine ou idiote; ça peut prendre toutes sortes de formes. Un conte moderne ou contemporain va avoir une tout autre imagerie, mais il va s’adresser aux mêmes angoisses."

Ainsi, l’imaginaire contemporain ne peut échapper à cet héritage de peurs et c’est pourquoi le conte demeure un art noble et nécessaire. "Le territoire dans lequel le conte nous lance est un endroit avec lequel il ne faut pas perdre contact. C’est notre moi ancien, ce qu’on était il y a 10 000 ans, et qu’on continue d’être. Le conte nous ouvre à ça et moi, ça me donne un kick effrayant à chaque fois."

RENCONTRE POPULAIRE

La Rencontre internationale sur le conte est un événement ouvert au grand public. Les conférences, tables rondes et autres activités parallèles se tiendront dans une atmosphère conviviale. "J’ai énormément de choses à dire et je suis très curieuse d’entendre ce qu’ont à dire ceux qui le pratiquent", lance Micheline Lanctôt. Il ne s’agit pas d’un colloque universitaire avec un discours théorique.

De toute façon, le conte n’appartient pas aux intellectuels, c’est un art du peuple. "Le conte appartient aux gens. Moi, je leur dis: "Venez à la Rencontre pour vous réapproprier vos contes. C’est à vous!""

Du 16 au 18 octobre
Au salon Bellevue du Centre culturel de l’Université de Sherbrooke

Pour l’horaire des activités parallèles: www.productionslittorale.com