Art et Politique: Nouvelles Formes d'engagement artistique au Québec, d'Ève Lamoureux : Engagement à la carte
Société

Art et Politique: Nouvelles Formes d’engagement artistique au Québec, d’Ève Lamoureux : Engagement à la carte

L’art engagé n’a jamais cessé d’exister. De BGL à l’ATSA, Ève Lamoureux révèle le rapport parfois ténu entre art et politique dans le milieu contemporain des arts visuels dans son livre Art et Politique: Nouvelles Formes d’engagement artistique au Québec.

L’art engagé est-il encore de mise? Qu’est-ce qui le définit aujourd’hui? Fruit de plus de cinq années de recherche, Art et politique: Nouvelles Formes d’engagement artistique au Québec remet les pendules à l’heure quant au degré d’engagement politique du milieu des arts visuels actuel. "Lorsque j’ai commencé mes recherches, dans le milieu des sciences politiques, on restait dans l’idée que l’engagement était mort. Aujourd’hui le thème redevient à la mode", explique Ève Lamoureux. L’essai, qui repose sur une enquête réalisée auprès de 10 figures marquantes de la création actuelle, parmi lesquelles figurent le trio BGL, l’ATSA, Devora Neumark ou encore Raphaëlle de Groot, brise la vision nostalgique d’une époque phare et révolue de l’engagement artistique.

Où l’on apprend que l’engagement artistique ne date pas du Refus global, mais a culminé dans les années 30, dans les milieux artistiques anglophones. "On n’en entend pas beaucoup parler parce que c’était une forme de militantisme ouvrier et marxiste. Le Refus global était un mouvement francophone et basé sur la question identitaire, donc plus acceptable pour la société québécoise."

Où l’on comprend, surtout, qu’"au même titre que les mouvements militants, l’engagement dans le milieu artistique a toujours été pluriel. Il s’est simplement transporté des grandes idéologies vers des causes plus précises, momentanées, ou une vision humaniste plus large". Aussi, selon Ève Lamoureux, BGL révèle d’oeuvre en oeuvre une préoccupation pour l’environnement, "sans tenter de faire une oeuvre-plaidoyer, mais par le choix de leurs matériaux", et Devora Neumark teinte tout son travail dans les milieux communautaires de féminisme, au même titre que Sylvie Cotton: "Lorsqu’elle se fait embrasser par des inconnus dans un ascenseur, elle prend un risque et endosse une posture féministe."

Danger de l’art politique

Pour autant, la plupart des artistes interrogés refusent d’endosser le qualificatif d’"engagé" ou de parler de mission sociale ou politique. À la lecture de l’ouvrage, le spectre de l’engagement du milieu artistique paraît donc très large, l’ATSA et BGL se situant aux deux extrémités. "L’ATSA représente une forme minoritaire de l’engagement et, pour certains, le danger de l’art politique. Une artiste que j’ai rencontrée m’a déjà dit que quand tu sers de la soupe populaire, tu ne fais plus de l’art. Mais quand ils font État d’urgence, ils parviennent à aller chercher de nombreux artistes qui participent, même s’ils ne sont pas eux-mêmes engagés."

Selon Ève Lamoureux, le courant majoritaire lie l’engagement d’abord à la forme artistique. "On pourrait rapprocher ce mouvement de l’art expressif des années 60: même désir de mettre la participation du public au centre de la pratique." Puis, l’auteur poursuit le parallèle entre l’engagement artistique et les milieux militants: "On trouve beaucoup de similarités entre leur discours et celui des milieux associatifs et communautaires français, un refus total de l’autorité et l’autorité de l’individu sur le collectif. C’est l’engagement à la carte de Jacques Ion."

Art et Politique: Nouvelles Formes d’engagement artistique au Québec
d’Ève Lamoureux
Éd. Écosociété, 2009, 250 p.