Action démocratique du Québec : Quel avenir pour les adéquistes?
Démission sur démission, on peut avoir l’impression que l’Action démocratique du Québec prend un malin plaisir à se saborder. Pour certains, l’option pourrait être facilement remplacée. Pour d’autres, sa disparition représenterait un échec majeur pour la province.
L’essentiel, pour certains spécialistes consultés, c’est que l’ADQ survive à cette crise. Parce que l’option est nécessaire. "Actuellement, on voit beaucoup de sarcasme, d’ironie par rapport à la position du parti. Mais c’est une vision à courte vue. L’échec de l’ADQ est un échec québécois, parce qu’on n’est pas capables d’avoir un véhicule pour les gens qui pensent autrement", lance Christian Dufour, politicologue à l’ENAP. "L’ADQ, peu importe si on l’appuyait ou non, amène un certain nombre d’idées sur la scène politique et, ce faisant, force les autres partis à les prendre en considération", ajoute Frédéric Boily, professeur de science politique à l’Université de l’Alberta.
D’ailleurs, pour ce dernier, auteur du livre Mario Dumont et l’Action démocratique du Québec. Entre populisme et démocratie, c’est le modèle même de la formation qui est en cause. "L’élection de Gilles Taillon à la tête du parti montre que, plutôt que d’aller vers l’avenir, l’ADQ est incapable de se renouveler depuis le départ de Dumont. Il faut dire que dans tout parti populiste, organisé autour de la figure du chef, le passage du flambeau est l’étape la plus difficile." Selon Christian Dufour, la question centrale dans la débandade actuelle, ce sont les électeurs: que feront-ils? "Il y a une bonne partie des Québécois qui risquent d’être "défranchisés"." Une situation qui, pour Frédéric Boily, risque d’accentuer la baisse du taux de participation: "Peut-être voteront-ils pour d’autres formations, ou peut-être n’iront-ils pas voter du tout!"
Autre possibilité, selon Jean Crête, professeur au Département de science politique de l’Université Laval: qu’ils passent au Parti libéral. "Les électeurs de l’ADQ ne sont pas orphelins. L’esprit général de leur parti pourrait se retrouver au PLQ, qui a une idéologie à saveur conservatrice. En ce sens, la disparition éventuelle de leur parti n’est pas catastrophique." Selon lui, contrairement aux États-Unis, où la courbe statistique normale des allégeances politiques a deux sommets, on n’en trouve qu’un seul au Québec. Pas de clivage net, donc des options plus facilement remplaçables. "Sinon, il y aura une autre ADQ qui apparaîtra sur la scène politique", observe M. Crête.
L’ancien député adéquiste Éric Caire ne partage pas cet avis. Pour lui, aucune adéquation entre PLQ et ADQ. "Lors des dernières élections, 500 000 personnes sont restées chez elles parce qu’elles ne se reconnaissaient pas dans l’ADQ, mais elles ne sont pas sorties pour le PLQ non plus!" objecte-t-il. En fait, la porte serait peut-être ouverte à une autre option. "Est-ce qu’il y aura formation d’un autre parti de centre-droite? Peut-être. Il y a de la place et il y a un besoin. Je ne peux pas être le seul porteur de ça, mais je suis prêt à y travailler." Cela, dans un contexte où, selon lui, la population est de plus en plus réceptive au projet de société dont cette droite se fait le porte-étendard. "Les gens commencent à recevoir le message, c’est un bon pas. Maintenant, il faudra de plus en plus de gens crédibles qui vont s’afficher centre-droite pour continuer à dédouaner la droite."