Steven Guilbeault : Pour des lendemains verts
Société

Steven Guilbeault : Pour des lendemains verts

Dans l’épineux dossier des effets des changements climatiques, la situation est grave, mais il n’est pas trop tard pour éviter le point de non-retour, soutient le militant environnementaliste Steven Guilbeault dans un essai-choc*. Le Québec peut jouer un rôle de premier plan dans ce combat écologique homérique…

Le constat que vous dressez dans votre livre sur les incidences des changements climatiques est fort alarmant. Toutefois, selon vous, la situation est sombre, mais pas désespérée.

"Entendons-nous bien: je suis un optimiste, pas un imbécile heureux! Mon optimisme n’est pas commandé, il s’appuie sur des faits tangibles et ostensibles que j’examine dans ce livre. Je suis également réaliste et je sais à quel point il y a loin de la coupe aux lèvres. Les solutions, tant humaines que techniques et technologiques, sont à notre portée, mais encore faudra-t-il saisir ces occasions qui s’offrent à nous et relever le défi de lutter contre les changements climatiques. Il y a encore d’énormes obstacles à franchir avant de remporter la victoire. Le but de ce livre est de sensibiliser ceux qui le liront à la problématique des changements climatiques et au défi planétaire que cela implique. Je veux rappeler et démontrer qu’un mouvement imparable s’est amorcé et qu’il ne peut conduire qu’à la mise en place de nouvelles bases pour l’économie mondiale, de nouvelles façons de produire et de consommer l’énergie ou la nourriture, de se déplacer…"

Donc, la majorité des Québécois sont conscients des dangers lancinants que les changements climatiques font peser sur notre planète.

"Absolument. Sur cette question fondamentale, les Québécois et les Québécoises ont une position très proche de celle des Européens. En effet, au Québec et en Europe, contrairement à ce qu’on voit encore aux États-Unis et au Canada anglais, il n’y a plus de débat gauche-droite sur la question de la lutte contre les changements climatiques. Aussi bien Nicolas Sarkozy qu’Angela Merkel, qui sont à la tête de gouvernements de droite, sont très "pro-climat". Au Québec, le premier ministre Jean Charest partage aussi les vues des principaux dirigeants européens sur cette question. Même l’ADQ reconnaît l’importance du protocole de Kyoto et de la lutte contre les changements climatiques."

D’après vous, le Québec a de grands atouts pour contrer les effets néfastes provoqués par les changements climatiques.

"Il faut rappeler que c’est le Québec – et non la Californie, comme beaucoup le croient – qui a été le tout premier État nord-américain à se doter d’un plan de réduction des gaz à effet de serre visant les objectifs arrêtés à Kyoto. Ce plan, adopté en 2006, est le plus ambitieux en Amérique du Nord et le seul susceptible d’atteindre la cible fixée à Kyoto. C’est le Québec aussi qui a été le premier État nord-américain à instaurer, en 2007, une taxe sur le carbone. Les recettes de cette taxe – environ 200 millions de dollars canadiens par année – servent à financer des mesures écologiques, pour le transport en commun et l’efficacité énergétique. En avril 2009, le gouvernement du Québec a aussi annoncé un programme appelé "Climat municipalités" pour aider le milieu municipal à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Une Bourse du carbone devrait également être mise en place prochainement…"

Vous proposez un plan ambitieux pour faire du Québec, à l’horizon 2030, un État carboneutre. Toute une gageure!

"Dans ce plan, je préconise l’utilisation massive des transports en commun et une plus grande utilisation de l’électricité dans le secteur des transports. Je crois que la voiture électrique hybride aura une place de plus en plus importante dans le parc automobile québécois. Il est impératif aussi qu’on élimine l’utilisation de combustibles fossiles dans les secteurs résidentiel, institutionnel et commercial. Au Québec, il y a encore des écoles et des hôpitaux qui chauffent au mazout. C’est un non-sens! Convertir ces systèmes de chauffage vétustes à l’électricité ou à la géothermie, ça peut se faire très rapidement. Je donne dans le livre l’exemple d’une coopérative d’habitation où l’on a décidé d’installer un système de chauffage géothermique pour 150 appartements, au lieu de placer 150 unités de chauffage conventionnel. Le coût d’installation de ces unités de chauffage est ainsi passé de 25 000 $ à 3 000 $. Il y a des économies d’échelle importantes à faire dans les secteurs commercial et institutionnel, de même que dans le secteur des transports."

Le Québec a-t-il le potentiel énergétique substitutif nécessaire pour réduire sa forte dépendance au pétrole?

"Oui. L’une des forces du Québec dans la lutte contre les changements climatiques est indéniablement son potentiel hydroélectrique. L’hydroélectricité a de gros avantages sur la plupart des autres matières énergétiques utilisées de façon massive à l’échelle de la planète: le pétrole, le charbon, le nucléaire, le mazout, le gaz naturel… Une autre grande force du Québec: le savoir-faire, reconnu internationalement, que les Québécois ont développé ces dernières années dans le domaine-clé des technologies propres. Le fait qu’Hydro-Québec s’intéresse de nouveau au développement de la voiture électrique, c’est une initiative intelligente et très prometteuse pour l’avenir sur laquelle nous devons tabler."

L’inaction du gouvernement de Stephen Harper dans le dossier du réchauffement climatique vous exaspère.

"La politique du gouvernement fédéral canadien en matière de lutte contre les changements climatiques est dictée par les compagnies pétrolières de l’Alberta. Non seulement le Canada n’a pas avancé dans ce domaine très névralgique, mais il a reculé depuis l’arrivée des conservateurs au pouvoir. Par exemple, les fonds dérisoires que le Canada investissait dans la recherche et le développement de l’énergie éolienne ne sont plus disponibles. Il n’y a plus d’argent pour explorer de nouvelles voies pouvant assurer une efficacité énergétique, ni pour sensibiliser les Canadiens aux changements climatiques en cours. Il y avait un programme gouvernemental fédéral pour encourager les Canadiens à acheter des voitures qui consomment moins d’essence. Ce programme a été aboli. C’est vraiment une hécatombe!"

* Alerte! Le Québec à l’heure des changements climatiques
Éditions du Boréal, 2009, 246 p.