Steven Guilbeault : La grande migration
Société

Steven Guilbeault : La grande migration

On estime qu’ils sont entre 20 et 40 millions. Les réfugiés climatiques n’ont pas de statut et constituent pourtant un problème majeur à l’échelle mondiale. Une table ronde leur est consacrée le 22 mars à la Tohu, parallèlement à l’exposition Les Réfugiés du climat. Steven Guilbeault sera présent.

"On n’a pas le choix, lance Steven Guilbeault. On peut bien faire semblant qu’ils sont moins nombreux, mais la réalité va nous rattraper, en Europe, en Amérique. Partout. Le coût sera énorme, mais nous n’avons pas le choix." L’auteur du livre Alerte! Le Québec à l’heure des changements climatiques sera l’un des invités de la table ronde organisée à la Tohu ce lundi, en lien avec l’exposition de photos du journaliste François Pesant, Les Réfugiés du climat.

Les déplacements massifs de populations pour cause de changements climatiques ou en rapport avec la destruction de l’environnement par l’activité humaine sont de plus en plus nombreux. Ils étaient 20 millions en 2008, selon une étude publiée à l’automne 2009 par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui évalue à 1 milliard leur nombre à l’horizon de 2050. Les régions qui seront le plus touchées dans les années à venir seront l’Afghanistan, le Bangladesh, une grosse partie de l’Amérique centrale, des portions de l’Afrique de l’Ouest et de l’Asie du Sud-Ouest. La question des îles du Pacifique constitue l’un des épisodes les plus récents et les plus spectaculaires de cette triste saga: on prévoit leur disparition sous la mer à l’échéance de 2050, voire de 2020. En tout, ce sont 634 millions de personnes dans le monde qui vivent à 10 mètres ou moins du niveau de la mer, et qui devront donc à moyen terme être déplacées.

Le gouvernement fédéral, une "cause perdue"

Si les plus conservateurs (dont le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – GIEC) avancent le chiffre de 150 millions pour 2050, tous s’entendent pour souligner l’extrême urgence d’une action concertée à l’échelle mondiale. "Il est question ici de justice climatique, rappelle Steven Guilbeault: les pays qui ont le moins contribué aux changements climatiques sont ceux qui vont subir le plus d’impact. Il est donc de notre responsabilité de les aider à se développer, à s’adapter et, le cas échéant, de nous préparer à accueillir les populations déplacées."

La question est d’autant plus cruciale qu’elle arrive après la publication, en février, d’une étude de la Banque mondiale qui révèle que les pays d’Europe centrale et du Nord, le Canada et la Russie devraient voir leur production agricole fructifier grâce aux effets du réchauffement climatique. De quoi mettre un frein aux bonnes résolutions des pays développés? "Les choses ont quand même avancé. Les États-Unis ont reconnu leur part de responsabilité envers les pays pauvres en ratifiant les accords de Rio. Et puis l’aide aux pays pauvres représente aussi beaucoup d’intérêts pour les pays développés: ils vont avoir besoin de notre savoir-faire et de nos technologies."

Mais pour ce qui est du Canada, Steven Guilbeault ajoute: "Le gouvernement fédéral actuel est une cause perdue en matière d’environnement, à l’heure où Maxime Bernier félicite son gouvernement de ne rien faire en matière de changements climatiques. Ce qui n’empêche pas d’agir au niveau local, municipal ou régional." La table ronde a donc pour objectif de sensibiliser le public au sort de ces millions de réfugiés auxquels le droit international ne reconnaît aucun statut. Cet aspect du problème, rappelait François Pesant dans un article de L’Actualité datant de novembre 2008, n’est pas le moindre puisque, écrivait-il, "le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés peine déjà à répondre aux besoins des réfugiés traditionnels, avec son budget de 1,6 milliard de dollars. La reconnaissance des réfugiés environnementaux viendrait plus que doubler le nombre de personnes admissibles à son aide".

Table ronde "Une voix pour les victimes anonymes de la dégradation environnementale", le 22 mars à 19 h à la Tohu (2345, rue Jarry Est). Avec François Pesant (photojournaliste), Steven Guilbeault (Équiterre) et Béatrice Vaugrante (Amnistie Internationale). Info et réservations: 514 376-8648.

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Images chocs

L’exposition Les Réfugiés du climat rassemble une trentaine de clichés du photojournaliste François Pesant, qui a côtoyé de près les populations indiennes déplacées, victimes de la dégradation de leur environnement et auprès desquelles il a notamment travaillé à titre de bénévole pour une ONG. En décrivant le quotidien de ces hommes, femmes et enfants, le photographe capte, en noir et blanc, la grande fragilité de l’être humain et sa résilience face aux catastrophes qui l’entourent, faisant écho, en partie, au traumatisme vécu dernièrement en Haïti. Jusqu’au 25 avril, à la Tohu.