Christophe Girard : Libre échange
Christophe Girard, adjoint au maire de Paris en charge de la culture, était la semaine dernière invité au colloque "Cultiver la ville" organisé par Culture Montréal. L’occasion pour lui de s’inspirer de la gestion culturelle montréalaise.
"On appelle esprit cultivé un esprit dans lequel on a semé celui des autres." La formule est de Diane de Beausacq mais Christophe Girard y souscrit volontiers, lui qui défend l’idée d’une culture "qui prend son temps, qui laisse germer et qui attend de voir si le fruit tiendra les promesses de la fleur". C’est lui qui, en 2002, a créé le concept des Nuits Blanches à Paris, et qui, depuis, se réjouit de voir plusieurs grandes villes lui emboîter le pas, dont Montréal. Cette fois, c’est lui qui fait le déplacement "pour voir ce qui se fait ici", glaner des idées, observer la gestion culturelle de la ville.
Résultat? C’est une autre manière de faire – rien de moins! – qu’a découverte l’adjoint au maire de Paris et qu’il compte bien emporter dans ses bagages. "Ici, le rapport au citoyen est très respectueux et intelligent. Les politiques et les institutions culturelles ont un devoir annoncé, une obligation de résultat et des comptes à rendre aux citoyens."
Une idée qui, selon lui, aurait bien du chemin à faire en France.
"Un autre rapport à la culture"
Admiratif, l’adjoint de Bertrand Delanoë loue l’action des institutions culturelles montréalaises en général, et celle de Simon Brault en particulier, "courageuse, moderne, expérimentale". Tous deux chantres de la démocratisation culturelle et de la participation citoyenne, tous deux persuadés que pour toucher un public plus large, l’art ne doit pas se diffuser plus, mais se diffuser mieux, les deux hommes ne pouvaient que s’entendre.
Il y a un point de discordance, cependant: Internet. Ce que le fondateur de Culture Montréal désigne comme un rouleau compresseur dont il faut se méfier, Christophe Girard, lui, le qualifie de chance et de défi pour l’avenir. Et il s’enthousiasme en évoquant son projet de salle de théâtre virtuelle qui, il en est certain, "sera un premier pas qui ouvrira le chemin de l’art à un nouveau public".
L’autre enseignement qu’il tirera de sa visite concerne la gestion culturelle en ces temps de vaches maigres. Car pas plus à Paris qu’à Montréal, la culture n’est épargnée par la crise financière. Le Français confesse avoir été frappé par le fait que les Québécois "ont une certaine idée de la culture, improbable par définition, et se battent pour en faire un élément essentiel, vital de la société, qui ne soit pas seulement un supplément d’âme".
Ce que les Montréalais ont compris, dit-il, c’est que l’art doit trouver sa place dans tous les compartiments de la vie, mais aussi, et surtout, dans toutes les sphères de la société. Et que, dans la crise que nous traversons, la culture doit être considérée comme un rempart contre la morosité ambiante plutôt que comme une dépense superflue. Là encore, ce n’est pas M. Brault qui le contredira.
L’exception québécoise
Interviewé sur la Première Chaîne de Radio-Canada, Christophe Girard déclarait: "Les Québécois sont l’archétype des Américains du Nord auxquels on aurait retiré les défauts des Texans." S’il ne renie pas la formule, il prend tout de même la peine de nuancer, diplomatie oblige: "Disons que les Québécois sont très éloignés des préjugés que l’on a contre l’Amérique outre-Atlantique." Et l’élu parisien d’expliquer que l’exception culturelle québécoise tient en ceci que nous avons su nous éclairer des influences française et anglo-saxonne sans devenir ni des cowboys consuméristes à l’américaine, ni des intellectuels arrogants à la française. Et force est de constater, conclut-il, qu’à l’heure de la mondialisation galopante – d’autres diraient "du zapping généralisé" -, l’exception québécoise fait du bien à tout le monde.
Du reste, il aimerait en faire profiter les Parisiens. Car, il ne s’en cache pas, le Cirque du Soleil l’intéresse. Interrogé sur le sujet, il annonce que les discussions avec Guy Laliberté suivent leur cours, mais évoque une gestion délicate du projet. Car il va falloir que les cirques parisiens acceptent la concurrence, même provisoire, de ce nouveau venu – et il est de taille -, mais aussi il faudra que le Cirque du Soleil trouve sa place et n’en déborde pas. L’on comprend à son ton emprunté que les négociations vont être longues et ardues, mais il ajoute avec un sourire: "On a jusqu’à 2014 [prochaines élections municipales, ndlr] pour les faire aboutir."