Shanghai : Shanghai, ville neuve

Titanesque et continuel chantier ces dernières années, Shanghai a vécu un urbanisme radical (on rase tout et on reconstruit) qui s’est avéré, pour ses citoyens, une source de fierté autant que de drames humains.

Rien qu’entre 1990 et 2004, 2,5 millions de résidents ont été expropriés de force afin de laisser place à la modernité. Et cela continue, malgré la résistance de certains. Dans plusieurs endroits de la ville, il est encore possible de voir de vieux immeubles en démolition, maladroitement cachés derrière des murs décoratifs. Seules sept petites zones anciennes seront épargnées.

Pour certains, cette modernisation est nécessaire car elle améliore les conditions d’hygiène de secteurs insalubres. Selon d’autres, la Ville a financé sur le dos de ces expropriés (très modestement dédommagés) une bonne partie des coûts de la modernisation de la ville entière par la privatisation et la revente à très bon prix de ces terrains, propriété de l’État.

L’envergure des nouvelles infrastructures impressionne: 4000 tours fraîchement construites (contre 2000 à New York), un deuxième aéroport international flambant neuf relié à la ville par un train ultrarapide (pouvant aller à 500 km/h), extension du réseau de métro à 420 stations (le plus long au monde avec bientôt 500 km), plus grand port au monde…

Même les arbres semblent avoir été plantés la veille. La ville change si rapidement que les Shanghaiens affirment ne plus en reconnaître les différents secteurs d’une visite à l’autre.

Disparités économiques extrêmes

La ville a bénéficié d’un boom économique époustouflant. Avec un marché intérieur de plus de 500 millions de nouveaux consommateurs, cette mégalopole a attiré un grand nombre de richissimes gens d’affaires. Nulle part ailleurs vous ne verrez autant de magasins de luxe qu’à Shanghai: Cartier, Chanel, Rolls-Royce…

Ce phénomène souligne les disparités sociales qui marquent de plus en plus la cité. Au centre-ville, il n’est pas rare de tourner le coin d’une rue ultramoderne pour tomber dans un tiers-monde sans eau courante, avec des poules en cage dans la rue et des vêtements séchant sur des fils électriques.

Le salaire moyen des Shanghaiens tourne autour de 4000 dollars par année (beaucoup moins pour les 13 millions d’immigrants de la campagne n’ayant droit à aucun service social), alors que dans les quartiers modernisés, le coût de la vie est comparable à celui de Paris. Pour les moins favorisés et la classe moyenne, il s’avère difficile, voire impossible, de se loger convenablement, même en lointaine banlieue.

La plus grande expo universelle

Jusqu’au 31 octobre, les organisateurs de l’Expo 2010 attendent entre 70 et 100 millions de visiteurs (ils étaient 50 millions à l’Expo 67 de Montréal). En raison du nombre de pays représentés (189), du budget octroyé pour les travaux sur le site et dans la ville (plus de 60 milliards de dollars) et de la superficie du lieu (500 hectares), l’Expo de Shanghai est la plus importante expo universelle élaborée depuis la première à Londres en 1851.

Se déployant autour du thème "Meilleure ville, meilleure vie", cette célébration de l’urbanité marquera avant tout par ses propositions architecturales. Un des événements majeurs en est le Pavillon de la Grande-Bretagne conçu par Thomas Heatherwick. Sa Seed Cathedral est composée de 60 000 tiges d’acrylique emprisonnant chacune une semence de plante. Le tout ressemble à un gigantesque hérisson de cristal qui s’illumine la nuit… Époustouflant!

Le Pavillon du Danemark, par la firme BIG (Bjarke Ingels Group), est une impressionnante spirale tournant autour d’un trésor national, la Petite Sirène (du sculpteur Edvard Eriksen), qui n’avait jamais quitté Copenhague. Le Pavillon du Portugal, conçu par Carlos Couto, est recouvert de liège, celui de l’Espagne, élaboré par la firme Miralles Tagliabue, est fait d’osier imperméabilisé…

Au Pavillon de la France (par Jacques Ferrier), la culture est à l’avant-plan. Le Musée d’Orsay y a installé sept oeuvres majeures de sa collection: L’Âge d’airain de Rodin, Le Balcon de Manet… Des extraits de films montrent Jeanne Moreau dans Ascenseur pour l’échafaud ou Jean-Paul Belmondo dans À bout de souffle.

Quel contraste avec le Pavillon du Canada! Aucun architecte n’en est vraiment responsable. Un groupe de créatifs du Cirque du Soleil (appuyé par les services-conseils de la firme Saia, Barbarese et Topouzanov) a géré la chose. Les oeuvres d’art y sont à peine visibles. Une photo d’Alain Paiement placée dans un couloir étroit, à la sortie, sert d’arrière-plan pour les visiteurs se faisant photographier avec un membre de la GRC avant de manger un hot-dog. Seul un petit film de Jean-François Pouliot attire l’attention, mais n’évite pas les clichés sur le paysage canadien et le multiculturalisme… Occasion ratée.