Michel Venne : Jeunesse, lève-toi!
Société

Michel Venne : Jeunesse, lève-toi!

Michel Venne est le fondateur de l’Institut du Nouveau Monde (INM), qui tente de réconcilier les jeunes avec la politique en les invitant à devenir des citoyens actifs et impliqués. Rencontre.

Pendant longtemps, Michel Venne a pensé que l’information était le pouvoir. Alors, il a décidé d’en livrer le plus possible, de l’information. C’était sa période journaliste. Puis est venu l’échec du lac Meech, et celui du référendum de 1995. Il se souvient: "Après la forte mobilisation et le désir de politique qu’ont fait naître ces deux évènements, une vague de résignation et un sentiment d’impuissance dans la population s’en sont suivis. Puis, l’abstention a augmenté jusqu’à atteindre des niveaux désastreux."

C’est à ce moment-là qu’il prend conscience de ce qu’il appelle pudiquement "les limites du journaliste". Transmettre l’information ne suffit pas, il faut donner aux gens le goût de participer. Informer, oui, mais aussi débattre et proposer. Sans le savoir, il vient d’avoir l’idée de l’Institut du Nouveau Monde.

Repenser la démocratie

En 2004, l’institut voit le jour, avec pour vocation de montrer aux jeunes le chemin de la citoyenneté. Et cela, prévient-il, ne se fera pas sans prendre la peine de repenser la démocratie. Je lui demande comment. Il se lève, fouille dans sa bibliothèque, en sort Ulrich Beck, Pouvoir et contre-pouvoir de la mondialisation. Cite Emmanuel Todd, Après la démocratie. Parle de redonner une voix à chacun, s’exalte, s’emballe presque. "L’idée fondatrice est que c’est en échangeant que l’on devient citoyen et en proposant que l’on devient utile. Nous tentons de faire se rencontrer les arguments, pour que les grands débats au Québec ne soient plus uniquement qu’une juxtaposition d’idées contradictoires et irréconciliables. C’est de l’apprentissage par la pratique."

Puis il évoque les jurys citoyens de l’INM, son école d’été, la foire de l’expression citoyenne, l’évènement Civicus, qu’il considère comme des "expériences" de démocratie, des méthodologies, en quelque sorte. Et il en revient à son leitmotiv, participation is power! "Nous cherchons à transformer une population informée en une population participative. Nous nous adressons aux jeunes cégépiens et bacheliers, car nous les savons sensibles aux grands enjeux actuels."

Est-ce à dire que l’INM est élitiste? "Non, notre but est de nous adresser à tous. Mais nous avons conscience que c’est un travail de longue haleine, ajoute-t-il en bon pragmatique. Alors on tente de progresser par cercles concentriques, en commençant, bien sûr, par la frange la plus politisée de la population."

Mesurer l’impact

Dès lors se pose l’épineuse question de l’efficacité. Et son corollaire: comment mesure-t-on le chemin parcouru dans les consciences? Michel Venne admet qu’il manque d’outils de statistiques objectifs et précis. "Il y a tout de même quelques indices, explique-t-il, à commencer par la façon dont est perçue et relayée l’action de l’INM dans les médias, mais aussi au sein des institutions, y compris politiques." Sur ce point, il ne cache pas sa fierté en racontant que le Directeur général des élections du Québec lui a confié, en 2009, la mission d’organiser un jury citoyen sur le financement des partis politiques. "Je pense que ce genre d’initiative va dans la bonne voie. Il est important de proposer des solutions pour montrer à la population qu’elle a son mot à dire. Devant le désabusement des citoyens à l’égard de la politique, le défi est de leur faire comprendre qu’ils peuvent travailler en collaboration avec les institutions."

Pour le fondateur de l’INM, pas question de se substituer aux hommes et aux femmes politiques. Les citoyens ont autant besoin d’eux qu’eux-mêmes ont besoin des citoyens. Ajoutez à cela un panel d’experts triés sur le volet et vous obtenez la sainte trinité, selon Michel Venne: citoyens, experts, politiques, chacun interagissant avec les autres pour une démocratie régénérée. En le quittant, je lui ai demandé s’il était optimiste. "Mieux que ça, m’a-t-il répondu, je suis plein d’espoir."

Dans le métro qui me ramenait devant mon ordinateur, j’ai branché mon baladeur sur lecture aléatoire. Il s’est arrêté – ça ne s’invente pas! – sur la chanson de Damien Saez Jeunesse, lève-toi! Tout à coup, il m’a semblé qu’en effet, l’espoir était permis.

www.inm.qc.ca