L'Affaire Coca-Cola : Coke avale de travers
Société

L’Affaire Coca-Cola : Coke avale de travers

En soulevant la responsabilité de Coca-Cola dans l’assassinat de huit syndicalistes colombiens, le très sérieux documentaire québécois L’Affaire Coca-Cola s’attire les foudres de la multinationale. Explosif.

L’Affaire Coca-Cola, qui sera présenté le 11 novembre dans le cadre des Journées québécoises de la solidarité internationale, est dans la ligne de mire de la société Coca-Cola, qui a envoyé à la mi-janvier une mise en demeure aux diffuseurs du film (parmi lesquels le Festival international du film des droits de l’homme de Paris dont il a fait l’ouverture le 15 mars), la multinationale arguant de diffamation et de bris de confidentialité. Une campagne "de discrédit", ni plus ni moins, selon Germán Gutiérrez, coréalisateur, qui jusqu’ici n’a pas fonctionné. "Ils ont commis une grosse erreur, jubile Germán: aussitôt reçue, la lettre était diffusée sur le Net."

Campagne d’intimidation? Depuis sa sortie en 2009, ce film, fruit de plus de trois années de travail et de deux ans de tournage, fait l’effet d’un raz de marée: groupe de soutien sur Facebook, diffusion dans le monde entier et, en Amérique latine, les DVD pirates qui s’arrachent. "C’est comme ça que Coca-Cola a pu voir le film: ils se sont procuré une copie illégalement", raille Germán.

470 personnes tuées depuis 2002

La réaction de l’entreprise ne s’est pas fait attendre: "Ils ont d’abord tenté de nous faire couper deux scènes révélant le fait que Coke a proposé une grosse somme d’argent dans le cadre de négociations hors cour, à condition que les activités syndicales et la campagne Stop Killer Coke prennent fin. Évidemment, il n’en était pas question, donc ils tentent maintenant de faire peur aux diffuseurs. Mais légalement, ils ne peuvent rien contre nous, sans quoi ils auraient déjà fait saisir le film!" Sereine elle aussi, Carmen Garcia, coréalisatrice: "Nous avons bien fait nos devoirs, tout a été vérifié par une équipe d’avocats avant la distribution du film, pour avoir une assurance erreur et omission. Nous ne sommes pas des kamikazes!"

Pas kamikazes, certes, mais quand même: L’Affaire Coca-Cola a démarré en 2004, lorsque les deux réalisateurs furent amenés à s’intéresser de près aux assassinats, systémiques, de leaders syndicaux colombiens travaillant pour des entreprises sous-traitantes de multinationales. Quatre cent soixante-dix personnes ont ainsi été tuées depuis 2002. "Nous avons choisi Coca pour ce qu’elle représente, symboliquement, et aussi parce que son argumentation, selon laquelle elle ne peut être tenue responsable des décisions prises au sein de ses franchises, ne tient pas la route: en réalité, la société mère est propriétaire à hauteur de 30 %, voire 40 %, des franchises impliquées dans les meurtres."

Les deux réalisateurs n’estiment pourtant pas être partis en croisade contre la multinationale: "Au départ, il s’agissait de relater une aventure humaine, explique Carmen, et non de marteler un message anti-Coca-Cola. Il n’existe pas de zone noire ou blanche, mais une question complexe, autour de ce qui aurait pu représenter un précédent juridique."

ooo

MIEUX DÉVELOPPER

Novembre commence toujours sur les chapeaux de roue avec les Journées québécoises de solidarité internationale (JQSI). Orchestrées à Trois-Rivières par le Comité de solidarité, elles fouillent cette année le thème "Revoyons le développement". "Dans un contexte de crise économique, alimentaire, environnementale et sociale, les organismes de coopération internationale ont décidé de se pencher sur la question du modèle dominant, de revoir le développement tel qu’on le préconise depuis toujours, soit un modèle capitaliste", soutient Annie Lafontaine du Comité de solidarité. Ce modèle ne convient plus? "On a un peu atteint les limites de ce modèle-là. La crise alimentaire, par exemple, a fait des ravages dans plusieurs pays du Sud. Entre autres, en Haïti, l’augmentation du prix des denrées est extrêmement problématique. Actuellement, les tarifs douaniers sont si bas que la majorité des produits sont importés de l’étranger. Les cultures locales sont ainsi très difficiles à entretenir puisque les paysans ne sont pas compétitifs avec ce qui arrive de l’extérieur." Afin de sensibiliser le public aux problèmes liés au développement, les JQSI proposeront une série d’activités, dont une visite de l’Écol’hôtel Boutique K, une rencontre avec l’auteur Alain Deneault (Noir Canada, Offshore) et une conférence avec Aminata Traoré, une militante altermondialiste fort estimée. "Habituellement, les grandes conférences se tiennent à Montréal et à Québec. Mais, cette année, on a l’honneur d’avoir la conférence d’ouverture des Journées québécoises à Trois-Rivières!" Du 3 au 13 novembre. www.jqsi.qc.ca (K. Gélinas)