Les Arts, l’université, la politique culturelle : Culture élitaire pour tous
Noël Vallerand, vous connaissez? Il fut mélomane averti, universitaire consciencieux et penseur méconnu de la politique culturelle québécoise. Aux éditions VLB, Claude Corbo rassemble plusieurs textes de son défunt ami. OEuvre de mémoire et de réappropriation.
Adolescent, à l’apogée de son cours classique, Noël Vallerand adressait à ses camarades ces mots d’espoir: "Oh, si vous saviez comme je vous souhaite à tous de croire en la beauté." Claude Corbo, actuel recteur de l’UQÀM, l’a beaucoup côtoyé et démontre, par cette collection de textes dont plusieurs n’ont jamais été publiés, que Vallerand fut toujours à la hauteur de ses idéaux.
Engagé dans le milieu de l’éducation comme dans le monde culturel, l’universitaire s’est porté à la défense de l’art et a cherché des moyens concrets pour mieux le financer. Corbo, dont on connaît aussi le penchant pour les questions de politiques culturelles (il est l’auteur d’une pièce de théâtre méconnue sur les conflits entre Georges-Émile Lapalme et Jean Lesage en pleine Révolution tranquille), nous offre là une formidable invitation à mettre les réflexions de Vallerand en parallèle avec notre actuel rapport à la chose culturelle.
Certes, les textes sont d’intérêt inégal. Certains intéresseront davantage les travailleurs culturels bien au fait des enjeux financiers de la création, d’autres passionneront les mélomanes comme Vallerand, dont les écrits sur Mahler sont rassemblés pour la première fois. Mais tous ces textes sont façonnés d’une même vision et d’une indéniable cohérence. Pour Vallerand, le devenir collectif québécois et sa présence dans le monde ne s’envisagent pas sans un appui constant de l’État à ses artistes, mais pas de manière dispersée. Le saupoudrage des subventions lui semble être un formidable leurre; il prônait un financement différent selon "l’importance" de chaque organisme, histoire de se doter d’institutions véritables pouvant rayonner ici comme ailleurs. Un point de vue que certains jugeront élitiste, mais qui mérite d’être relu aujourd’hui, à l’heure où de nombreuses institutions culturelles d’envergure peinent à payer leurs factures d’électricité et font pâle figure devant leurs homologues étrangers.
Autre idée peu entendue chez nos artistes contaminés par l’anti-intellectualisme ambiant: "L’art de notre temps est plus que jamais imbriqué dans l’univers des idées." Vallerand cherche comment "jumeler création et réflexion" et tient un discours qui, de nos jours, ne sort pas souvent des murs des universités. Or, il fait bon l’entendre…
Les Arts, l’université, la politique culturelle
de Noël Vallerand. Choix de textes et présentation par Claude Corbo
VLB éditeur, 2010, 251 p.