Petunia Alves et Anne Golden : Avantage numérique
Le Groupe Intervention Vidéo fête ses 35 ans cette semaine. Trente-cinq ans de promotion, distribution et diffusion au service des femmes artistes et 900 oeuvres archivées. Mémoire collective entretenue par Petunia Alves et Anne Golden, codirectrices et binôme de choc.
Elles se marrent, Anne et Petunia, prennent la pose devant l’objectif sans broncher. Pas vraiment des vedettes, et pourtant les deux directrices du Groupe Intervention Vidéo sont assises devant un trésor national: 900 vidéos soigneusement rangées sur des petites étagères, un peu de "la mémoire collective", diront-elles plus tard. Ça sent la complicité et la confiance: le duo formé il y a 20 ans pour prendre les rênes du GIV fonctionne dans une parfaite complémentarité, dixit Petunia. Elles sont arrivées là, l’une Canadienne anglaise, bac en études cinématographiques, programmatrice dans différents festivals; l’autre Brésilienne, bac en psycho, travailleuse sociale, toutes les deux réalisatrices. La neige et le feu: "On a deux fortes personnalités, mais on s’arrange bien, plaisante Petunia. C’est indispensable pour gérer tout ça."
Tout ça, c’est un centre d’artistes fondé il y a 35 ans par des réalisateurs pour faire de la diffusion un lieu d’échange. Hélène Bourgault, Bernard Émond, Louise Gendron, Michel Sénécal et Michel Van de Walle ont fait partie des pionniers avant que le collectif ne se transforme en groupe de femmes: "C’était le post-Crise d’octobre, l’époque des cellules marxistes-féministes", dit Anne. "Les hommes ont quitté pour faire du fric, rigole Petunia. Les femmes sont restées et le groupe a pris sa vocation d’outil de changement social." Première époque et premiers combats: "Le regard était féministe et la forme privilégiée, celle du documentaire, ça répondait à un besoin urgent…"
De la Portapak au numérique
Si le besoin existe encore, l’outil, lui, a pris le large vers de nouvelles contrées: le groupe produit, distribue et diffuse des oeuvres expérimentales au même titre que documentaires. "On essaie de faire le plus possible une réflexion sur la production indépendante", précise Anne, intarissable lorsqu’il s’agit de l’histoire de la vidéo: "Ça a commencé en 1968 avec la Portapak de Sony. L’image était alors très différente de l’image pellicule, c’était du noir et blanc, on ne pouvait pas faire grand-chose; du coup, c’était très loin de l’esthétique du cinéma." Avec les années 70, l’expérimentation prend son essor: "Les gens se sont mis à jouer avec le signal électronique, certains artistes en ont même fait le sujet de leur oeuvre. C’est unique à la vidéo."
L’arrivée du numérique, dit Anne, aura contribué à faire converger cinéma et vidéo, et surtout à donner plus de latitude aux femmes artistes: "Avec ces outils, les auteures peuvent maîtriser leur oeuvre du début à la fin. Tout le monde fait tout ici!" On vient donc s’équiper, mais aussi apprendre puisque le GIV donne des ateliers sur une base régulière, et aussi participer en tant qu’artiste ou public aux événements de diffusion organisés à l’extérieur comme à l’intérieur. Côté production, c’est encore limite: le centre assume deux ou trois productions par année, "le parent pauvre", admet Petunia. La faute au manque de subventions. "Mais ça ne sert à rien de pleurer la vache morte, lance-t-elle illico. Et puis le GIV remplit largement sa mission en tant que distributeur." "On passe énormément de temps à communiquer avec les festivals à travers le monde, dit Anne. C’est un gros travail de recherche, pour s’assurer qu’un film va être présenté au bon endroit."
Et qu’on ne vienne pas remettre en question la pertinence d’un centre axé sur le travail des femmes, l’agacement va poindre: "Il arrive souvent que dans un festival, on ne voie pas une seule femme dans la programmation. Ce n’est pourtant pas parce qu’elles n’existent pas!" répond Petunia. Et Anne d’ajouter: "Ce n’est pas la bonne question. La bonne question à se poser, c’est si on fait un travail intéressant, si on offre un bon soutien. Et parce qu’on distribue les oeuvres sur le plan international, je pense qu’on peut dire que le travail qu’on représente fait son chemin."
Groupe Intervention Vidéo (GIV)
4001, rue Berri, local 105, Montréal
514 271-5506
www.givideo.org