Arnaud Foulon : Livrer bataille
Société

Arnaud Foulon : Livrer bataille

Arnaud Foulon est directeur général des Éditions Hurtubise et cofondateur du GELI (Groupement des éditeurs littéraires), qui s’est donné pour mission de défendre et promouvoir la littérature québécoise.

C’est avec deux autres éditeurs – Antoine Tanguay (Alto) et Gilles Herman (Septentrion) – qu’Arnaud Foulon a l’idée de fonder le GELI. Leur ambition: réfléchir à la place du livre littéraire dans le vaste monde de l’édition. Force est de constater, en effet, que celui-ci fait parfois figure de Petit Poucet. Dès lors, la solution leur apparaît évidente: il faut se réunir, mettre autour d’une même table tous les éditeurs littéraires qui le souhaitent – 26 à ce jour – et créer un front commun face à l’érosion de la place de la littérature dans les médias et la sphère publique. "Le premier constat que nous avons fait, raconte Arnaud Foulon, est celui de notre petitesse, de notre fragilité. En nous regroupant, nous comptons sur la force du nombre pour avoir plus de poids dans les négociations avec les journaux ou les organismes subventionnaires, par exemple."

Bibliodiversité

Hasard ou coïncidence, c’est l’été dernier que l’idée du GELI a commencé à germer dans la tête des trois hommes, au moment où la Librairie Blais à Rimouski annonçait qu’elle fermait ses portes après 73 ans d’activité. "La disparition des libraires indépendants est une grave menace pour la bibliodiversité. Au Québec, il y a des romans extraordinaires qui sont tirés à 1000 exemplaires à peine, qui les vendra s’il n’y a plus de librairies?" demande-t-il avec l’air navré de celui qui connaît la réponse.

On touche là au coeur du problème. Pour sauvegarder la bibliodiversité, il faut lui aménager des espaces protégés dans les journaux, dans les points de vente, dans les esprits. "Nous évoluons dans un milieu de l’offre et non de la demande, il faut parler et faire parler de littérature, c’est le seul moyen de faire en sorte que les gens continuent à en lire. Et c’est ce combat qu’entend mener le GELI."

Quant à l’ANEL (Association nationale des éditeurs de livres), elle ne peut suffire, selon lui, à porter ce genre de revendications, car qui prétend défendre les intérêts de la littérature doit s’y consacrer pleinement, ce qui n’est pas la vocation de l’ANEL. "Bien qu’elles se ressemblent, l’industrie du livre et l’édition purement littéraire sont deux métiers différents. Lorsque l’on parle de manuels de l’auto ou de guides pratiques, par exemple, on parle de milliers d’exemplaires distribués dans 400 à 500 points de vente, alors que l’éditeur qui fait de la poésie ou de la nouvelle ne peut compter que sur un réseau de 70 à 80 libraires, pour des tirages qui dépassent très rarement les 1000 copies. Le rapport de force est forcément différent."

"Créer des ponts"

Loin de lui, cependant, l’idée d’établir un quelconque clivage. Au contraire, il s’agit de "créer des ponts". Arnaud Foulon s’empresse d’ajouter que le GELI et l’ANEL ont des luttes communes à mener telles que l’opposition au projet de loi C-32 sur le droit d’auteur, sur laquelle les deux organismes se retrouvent complètement. De même, il prône la concertation avec les autres associations littéraires comme l’UNEQ (Union des écrivaines et des écrivains québécois) et l’ALQ (Association des libraires du Québec), entre autres.

"Le GELI n’est pas une association, insiste Arnaud Foulon, c’est un laboratoire d’idées, un regroupement informel. Nous voulons fonctionner de manière inclusive, c’est-à-dire être capables de réunir, sur un sujet donné, tous les acteurs concernés afin d’aboutir à une position commune que nous défendrons conjointement", dit-il avant de conclure, optimiste: "Nous sommes nombreux au Québec à vouloir promouvoir la littérature d’ici, et à savoir combien elle est belle et riche. C’est en unissant nos voix pour qu’elles portent plus haut et plus fort que nous réussirons à en convaincre les gens."