Société

Jeanie Riddle : Riddle class

Jeanie Riddle fait peur (un peu), exige (beaucoup), donne en conséquence. L’artiste et directrice de la Parisian Laundry est à l’image de sa galerie: un espace ouvert.

"Je sais que les gens ont peur de moi", lance-t-elle, tout sourire, dans un mélange français-anglais. Jeanie Riddle est détendue: l’exposition Valérie Blass a connu un lancement canon la veille: "Il n’y avait plus de vin au bout d’une heure!" Plein d’enfants aussi – "like it!" – et des critiques enthousiastes: "La carrière de Valérie est en plein boum, mais elle a pris un peu plus de temps que pour ses collègues masculins, you know, elle est monoparentale."

Elle en sait quelque chose, Jeanie: maman, artiste reconnue, directrice de l’une des galeries les plus florissantes de Montréal en matière d’art contemporain. "J’ai eu la chance de pouvoir poursuivre une vision avec des artistes qui nous offrent quelque chose de complètement débile et original."

Les artistes de la Parisian Laundry: BGL, Valérie Blass, Rick Leong, Janet Werner… Ses athlètes, elle les appelle. "Il faut les entraîner, les écouter, les encourager." Jeanie Riddle aime les métaphores, sportives ou culinaires: "La bouffe, c’est comme les matériaux. Tu commences avec quelque chose, tu le transformes, jusqu’à ce qu’on le voie d’une autre manière, et puis tu partages." Depuis cinq ans, elle partage, généreusement, avec le public un parterre de talents aussi divers que "géniaux": "Les artistes sont les penseurs les plus brillants. L’art visuel pour moi, it’s critical thinking." Jeanie a horreur de la démagogie: "Je peux parler des artistes que je représente pendant des heures, mais je ne suis pas une éducatrice!"

Rien à perdre

N’empêche: lancée sur le sujet de l’espace (le vide) – récurrent dans son propre travail et élément crucial du lieu qu’elle administre -, elle est intarissable: "It’s everything. Everything that’s unknown. That’s possibilities, and life." Elle poursuit: "Quand on regarde une oeuvre, même ultramaximaliste, dans un espace vide, on ne pense plus seulement à l’oeuvre elle-même, mais aussi à notre relation avec elle." Avec ses 6000 m2 tout en fenêtres, la Parisian Laundry est pour elle un "espace privilégié." Le parti pris déconcerte parfois. La réponse fuse: "Si tu ne sais pas comment intégrer tes oeuvres ici, c’est que ce n’est peut-être pas la place pour toi, so go away!"

La langue de bois, Jeanie Riddle ne connaît pas: "Le monde qui me connaît savent que je marche straight. J’ai rien à perdre, j’ai une opinion qui vient avec une expérience. Je ne veux pas me censurer parce que quelqu’un est trop émotionnel. Mais si je parle franchement, c’est que je sais que c’est safe. C’est peut-être une perspective féministe: on sait que même si les choses sont dites, c’est O.K., ça permet d’aller plus loin!" Plus loin, y compris à l’étranger: "BGL expose à la foire internationale de New York le mois prochain. Pour le premier projet solo, ils vont construire une installation in situ et faire une performance."

Pas peu fière, elle écorche au passage le système des centres d’artistes autogérés: "J’ai pu exposer grâce à ça, mais je me demande parfois si on n’est pas victime d’un système qui nous facilite trop la tâche." Sévère, aussi, lorsqu’il s’agit de la politique de Montréal en matière d’urbanisme, d’architecture ou encore d’art public: "Nous vivons dans l’ombre de la montagne et de la croix! dit-elle. J’aime les choses en mouvement, c’est pour ça que j’aime l’art contemporain et les artistes vivants."

Parisian Laundry: 3550, rue Saint-Antoine Ouest, 514 989-1056
www.parisianlaundry.com