Nicolas Boisclair, Alexis de Gheldere et Roy Dupuis : Haute tension
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Nicolas Boisclair, Alexis de Gheldere et Roy Dupuis : Haute tension

Comme toujours, c’est dans le nord du Québec que l’on frappe. Pour poursuivre le grand projet de l’hydroélectricité, nous dit-on. Nicolas Boisclair, Alexis de Gheldere et Roy Dupuis réagissent à travers Chercher le courant, un documentaire-choc.

C’est la rivière Romaine que l’on sacrifie cette fois, parce qu’Hydro-Québec doit continuer de renflouer les coffres de l’État, parce qu’elle doit garder son titre officiel de vache à lait des Québécois. "C’est dans cette optique que l’on a créé Hydro-Québec, rappelle Roy Dupuis, et si le projet de la Romaine nous permettait de continuer à faire des profits, on n’aurait peut-être pas eu le courage de faire notre film."

Le film, c’est Chercher le courant, un documentaire-choc signé Nicolas Boisclair et Alexis de Gheldere auquel a collaboré l’acteur-militant. À l’été 2008, alors qu’approchait la date fatidique du début des travaux sur la rivière Romaine, où l’on s’apprêtait à construire quatre nouveaux barrages, un groupe, dont faisaient partie les coréalisateurs, a descendu la rivière en canot afin d’immortaliser la rivière dans son état sauvage.

Fouettés par ce périple, les deux hommes, accompagnés de Dupuis, ont poursuivi leurs recherches, et c’est en fouillant à même les études d’impact réalisées par Hydro-Québec qu’ils ont trouvé les armes de leur bataille. "La crise économique et la découverte de nouvelles façons d’extraire le gaz de schiste ont complètement chamboulé les prévisions d’Hydro-Québec, explique Nicolas Boisclair, écopédagogue de formation. Alors qu’ils prévoyaient, en 2007, que le prix de vente de l’électricité allait augmenter, c’est tout à fait l’inverse qui s’est produit."

Économie 101

À cette époque, Hydro-Québec prévoyait déjà que l’électricité fournie par le complexe de la Romaine lui coûterait 10 ¢/kWh. "Une prévision complètement farfelue, explique Roy Dupuis, puisque cette prévision n’incluait pas le coût de la ligne de transport de l’électricité, qu’Hydro-Québec chiffrait à 1,5 G $, ni le coût de dépassement attendu du projet, qui devrait normalement se chiffrer à 26 % du coût total (8 G $). En fin de compte, on serait chanceux de s’en sortir à 13 ou 14 ¢/kWh…" Pour la comparaison, soulignons que l’électricité produite à la centrale de Churchill Falls coûte 0,25 ¢/kWh, et que celle produite à La Grande coûte 1,5 ¢/kWh.

"D’un point de vue économique, poursuit l’acteur, cela pourrait encore se justifier si nous étions en mesure de revendre cette électricité à un prix plus élevé. Mais voilà: le dernier rapport de l’institut de l’énergétique américain (Energy Information Administration) annonce qu’il va y avoir une diminution du coût de l’électricité de 6 % au cours des 25 prochaines années aux États-Unis, en raison du développement de l’industrie du gaz de schiste."

"Ça devient un problème mathématique tout simple, exprime Alexis de Gheldere, que même un enfant pourrait comprendre. Si tu produis quelque chose à 10 ou 13 ¢, et que tu le vends à 7 ¢ au particulier, à 5,5 ¢ à l’exportation sur un horizon de 25 ans, et à 4 ¢ aux industriels, il y a un manque à gagner quelque part. Et qui va payer pour ça?" "L’ensemble des Québécois, répond Roy Dupuis. Pourtant, il y a tellement d’autres façons de produire de l’électricité, des façons plus écologiques et plus rentables."

Des solutions présentées dans le film: énergie solaire, biomasse, biogaz, énergie éolienne… Pendant ce temps, Hydro-Québec poursuit calmement ses travaux et prévoit s’attaquer à d’autres projets qui s’annoncent plus coûteux encore que celui de la Romaine. "Il faut réagir, clame Roy Dupuis. Et il faut aussi se poser la question: à qui profitent ces développements hydroélectriques, puisque ce n’est pas à nous? La Romaine, c’est l’un des plus gros chantiers de construction en Amérique du Nord… A-t-on vraiment besoin d’en dire plus?"

Note 1: L’électricité se transige actuellement au coût de 4 ¢/kWh aux États-Unis en raison de la dernière crise économique et du prix extrêmement bas du gaz naturel. (source: journal Les Affaires)

Note 2: Entre 2012 et 2038, Hydro-Québec s’est engagée à vendre son électricité à 5,5 ¢/kWh au Vermont. Hydro-Québec négocie présentement avec l’Ontario et l’État de New York pour des ententes du même type. Actuellement, les Québécois paient un peu plus de 7 ¢/kWh pour leur électricité. (source: La Presse Affaires)