Ma tribu, c'est ma vie : Le meilleur ami de l'homme
Société

Ma tribu, c’est ma vie : Le meilleur ami de l’homme

L’ONF innove au Québec en matière d’oeuvres interactives. La dernière en lice, Ma tribu, c’est ma vie, dresse le portrait de huit jeunes pour qui le Web est devenu le meilleur ami.

"On dit que les gens ne se parlent plus parce qu’ils sont toujours rivés à leur écran", lance Hugues Sweeney de l’Office national du film. "Mais ta vie sur Facebook n’est pas un monde parallèle. Tu y échanges autrement avec tes mêmes amis, ou avec des gens que tu n’aurais pas rencontrés autrement. Quels liens d’amitié peux-tu créer quand tu es le seul jeune gothique de ton village?"

L’impact des nouveaux outils de communication sur la marginalité liée à l’isolement géographique: voilà à quoi le producteur et responsable du portfolio interactif de l’ONF réfléchissait au moment de créer Ma tribu, c’est ma vie. En ligne depuis quelques jours, l’oeuvre vous immerge dans le quotidien de huit jeunes provenant des quatre coins de la province. À Maliotenam, sur la Côte-Nord, Shana aime la musique emo. Gothique solitaire, Patrick vit dans le sous-sol de la maison de ses parents à Rawdon. Au nord, à Rouyn-Noranda, Jimmy s’est sorti du pétrin grâce au hip-hop. Sébastien, un Montréalais fan fini de culture japonaise Harajuku, se décrit comme un dandy/lolita…

La musique et le style vestimentaire jouent un rôle de premier plan dans leur affirmation de soi, mais tout passe par le Web, sans quoi leur monde serait infiniment petit. D’une dizaine de minutes chacun, les portraits de la réalisatrice Myriam Verreault sont touchants, poétiques. Ils élèvent les adolescents plus qu’ils ne les stigmatisent dans un nivellement par le bas. On y découvre que la marginalité n’a pas lieu sur le Web. Peu importe votre champ d’intérêt, qu’il soit aussi pointu que le cinéma tchèque des années 80, vous y trouverez quelqu’un avec qui échanger.

Comme elle l’avait fait pour son film À l’ouest de Pluton (tourné avec des adolescents sans expérience théâtrale), Myriam Verreault a su gagner la confiance des jeunes, qui s’y livrent avec générosité. "Je me suis inscrite à de multiples forums et groupes de discussion pour y trouver les usagers les plus actifs, explique-t-elle. Je me suis dressé une banque d’une quarantaine de jeunes que j’ai rencontrés dans leur patelin. Au final, j’ai choisi les plus attachants, ceux avec qui je cliquais assez pour qu’ils acceptent de s’ouvrir devant la caméra."

Et puisque l’internaute est par définition habile dans le multitâche, chaque court-métrage est ponctué de questions liées à notre propre utilisation du cyberespace, tel un chat en parallèle. Internet a-t-il créé votre vocation? A-t-il aboli les distances? A-t-il un impact sur votre horaire et votre temps? Faut-il se soucier de son image sur le Web?

L’intégration était la responsabilité du designer Alex Leduc, qui a travaillé en étroite collaboration avec Myriam Verreault. "Pour chaque projet, nous créons des équipes bicéphales formées d’un réalisateur et d’un designer afin que tous les éléments de la présentation contribuent à raconter l’histoire", poursuit Sweeney, anciennement de Bandeapart.fm. "Par exemple, Ma tribu, c’est ma vie permet de créer ton propre avatar. Ainsi, ça te force à analyser ceux des huit personnages, que l’on présente sur fond noir. Dès le départ, l’internaute porte un jugement, analyse sans s’en rendre compte la marginalité des sujets."

Depuis deux ans, 20 % du budget de l’ONF est consacré à la production d’oeuvres interactives. Écologie sonore se penche sur la pollution par le bruit. Sacrée montagne offre un regard immersif sur le mont Royal. 100 mots pour la folie découle d’une chanson de Malajube. "La mission de l’ONF a toujours été de produire des oeuvres qui font réfléchir, et l’interaction est une nouvelle forme d’expression qui profite aux oeuvres documentaires. Pour nous, le simple fait de déclencher un débat sur la pollution sonore avec Écologie sonore a été une réussite On fait beaucoup de Web, mais on a plusieurs autres projets sur la table qui sont plus près de l’installation physique. On a même un projet d’application iPhone."

Le 21e siècle, l’ONF a les deux pieds dedans.

Ma tribu, c’est ma vie
matribu.onf.ca